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Ordre moral

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L'ordre moral est une coalition des droites qui se forme après les chutes successives de Napoléon III et du gouvernement républicain provisoire. C'est aussi le nom de la politique souhaitée par le gouvernement d'Albert de Broglie formé sous la présidence du maréchal de Mac Mahon à partir du .

Difficultés d'une république naissante

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Peinture montrant la foule devant le palais Bourbon par une journée ensoleillée.
La foule devant le Corps législatif au matin du , peinture de Jacques Guiaud et Jules Didier.

Le , dans les décombres du Second Empire vaincu par la Prusse, la république est proclamée[1],[2],[3]. Afin d'endiguer l'insurrection et d'écarter la perspective d'un gouvernement révolutionnaire, les députés républicains s'accordent sur la constitution d'un gouvernement de la Défense nationale[4],[5]. Une série de désastres militaires et les souffrances du peuple lors du siège de Paris finissent par emporter le cabinet malgré la détermination de Léon Gambetta[4],[5],[1].

Portrait officiel d'Adolphe Thiers en 1871.

Après la large victoire des monarchistes lors des élections législatives du , Adolphe Thiers est nommé « chef du pouvoir exécutif de la République française », en attendant la signature de la paix et le rétablissement de l'ordre[6]. Ancien orléaniste, Thiers considère la république comme le seul régime capable de préserver l'ordre établi tant les querelles dynastiques discréditent les différents courants royalistes. À l'inverse, la majorité monarchiste à l'Assemblée nationale n'a d'autre objectif que la restauration, et les rapports entre les parlementaires et le chef de l'État reposent sur le pacte de Bordeaux, une proclamation dans laquelle Thiers réaffirme le statu quo institutionnel et promet de ne prendre aucune initiative sans en avoir consulté les députés : « Monarchistes, républicains, ni les uns ni les autres vous ne serez trompés »[7].

Sous la conduite du chef de l'État, qui reçoit officiellement le titre de président de la République après le vote de la loi Rivet le [8], le régime s'oriente peu à peu vers un républicanisme conservateur[1]. De fait, les monarchistes, dans l'attente d'un prétendant au trône, éludent la rédaction d'une constitution définitive et les institutions provisoires évoluent lentement[1], cependant que les républicains progressent à chaque élection partielle[9].

Rupture entre Thiers et les monarchistes

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Dessin d'un homme versant du vin rouge et du vin blanc dans un entonnoir relié à un tonneau.
Adolphe Thiers sous les traits d'un œnologue préparant le « vin de 1872 », image du rassemblement tenté par le président de la République.
Caricature d'André Gill dans L'Éclipse, .

La confiance de la majorité parlementaire à l'égard du chef de l'État s'amenuise à mesure que ce dernier s'éloigne de toute perspective de restauration monarchique. Le , son discours à l'Assemblée suscite l'indignation et l'hostilité des royalistes : « La République existe, elle est le gouvernement légal ; vouloir autre chose serait une révolution […]. Elle sera conservatrice ou ne sera pas »[10].

L'équilibre est rompu le  : Charles de Rémusat, ministre des Affaires étrangères de Thiers, est battu par le maire radical de Lyon, Désiré Barodet, soutenu par Léon Gambetta, lors d'une élection législative partielle à Paris. Les monarchistes, qui déplorent cette poussée radicale, en rejettent la responsabilité sur le chef de l'État. À l'Assemblée, le duc Albert de Broglie, qui rassemblent les différentes tendances monarchistes sur son nom, l'attaque sèchement : « Périr en ayant ouvert les portes de la citadelle, périr en joignant au malheur d'être victime le ridicule d’être dupe et le regret d'être involontairement complice… ». Empêché de répondre en vertu d'une loi qui l'oblige à inscrire ses interventions à l'avance au calendrier des séances, mis en minorité, Adolphe Thiers démissionne le [10],[11].

Élection de Mac Mahon

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Albert de Broglie appuie la candidature du maréchal de Mac Mahon : militaire de carrière ayant remporté de nombreux succès, vainqueur de la Commune à la tête de l'armée versaillaise, figure respectée fans le pays comme à l'étranger, il apparaît comme le candidat idéal pour les conservateurs. Élu à la présidence de la République par 390 voix sur 300 suffrages exprimés, il commence par se récuser, avant d'accepter la charge suprême. Son prédécesseur lui-même, Adolphe Thiers, tente d'ailleurs de le décourager : « La présidence est un enfer, n'y entrez pas, le pouvoir est un guêpier dans lequel une nature militaire comme la vôtre perdrait patience en quarante-huit heures »[12].

L'union des monarchistes formée à l'occasion du renversement d'Adolphe Thiers prend le nom de majorité d'ordre moral[13], une expression forgée par le maréchal Mac Mahon lui-même dans son discours à l'Assemblée le  : « J'obéis à la volonté de l'Assemblée, dépositaire de la souveraineté nationale, en acceptant la charge de président de la République. C'est une lourde responsabilité imposée à mon patriotisme. Mais, avec l'aide de Dieu, le dévouement de notre armée qui sera toujours l'armée de la loi, l'appui de tous les honnêtes gens, nous continuerons ensemble l'œuvre de la libération du territoire et du rétablissement de l'ordre moral dans notre pays ; nous maintiendrons la paix intérieure et les principes sur lesquels repose la société. Je vous en donne ma parole d'honnête homme et de soldat »[14].

Cette coalition ne dirige finalement le pays que de manière très brève, du au , date du renversement du cabinet Broglie[13]. L'objectif de ce gouvernement était de préparer la société à la Troisième Restauration[15]. L'ordre moral est à la fois une reconquête religieuse de la société et une lutte politique sans concession contre le radicalisme républicain, ennemi de la société. Il s'appuie sur une éducation religieuse renforcée, seule susceptible d'extirper les influences mauvaises héritées de la philosophie des Lumières et du positivisme. C'est dans ces circonstances que le l'Assemblée nationale adopte une loi déclarant d'utilité publique la construction d'une basilique dédiée au Sacré-Cœur sur la colline de Montmartre. Cette période prend fin avec la victoire des républicains aux élections législatives de 1876.

Une volonté d'ordre moral est fréquemment prêtée à la politique du maréchal Pétain durant le régime de Vichy[16]. Mais Pétain déclarait, dans un discours du  : « L'ordre nouveau ne peut, en aucune manière, impliquer un retour, même déguisé, aux erreurs qui nous ont coûté si cher, on ne saurait davantage y découvrir les traits d'une sorte « d'ordre moral » ou d'une revanche des événements de 1936. »[17].

L'ordre moral est employé comme terme péjoratif pour fustiger une politique jugée réactionnaire et liberticide.

Bibliographie

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Articles connexes

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Notes et références

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  1. a b c et d Éric Ghérardi, chap. 2 « La mise en place des institutions républicaines : la naissance de la IIIe république (1870-1879) », dans Constitutions et vie politique de 1789 à nos jours, Paris, Armand Colin, coll. « Cursus », (ISBN 978-2200288617), p. 39-56.
  2. Pierre Cornut-Gentille, Le  : L'invention de la République, Paris, Perrin, coll. « Tempus » (no 810), (1re éd. 2017), 237 p., poche (ISBN 978-2-262-08776-0).
  3. Grévy 1998, p. 9-12.
  4. a et b Duclert 2021, p. 49-50.
  5. a et b Grévy 1998, p. 12-16.
  6. Garrigues et Lacombrade 2023, p. 168-170.
  7. Tandonnet 2014, p. 64-65.
  8. Houte 2014, p. 27.
  9. Duclert 2021, p. 112-115.
  10. a et b Tandonnet 2017, p. 81-84.
  11. Houte 2015, p. 27-30.
  12. Tandonnet 2017, p. 88-89.
  13. a et b Vavasseur-Despierres 2019, § 2.
  14. Vavasseur-Despierres 2019, § 1.
  15. Dictionnaire encyclopédique Quillet
  16. Livre d'histoire Magnard 1998, « Vichy veut rétablir l'ordre moral. Il s'agit de restaurer une société hiérarchisée puisant ses modèles dans le passé… »
  17. Vichy et l'ordre moral de Marc Boninchi