Caricatures de Mahomet
Les caricatures de Mahomet sont des dessins humoristiques à propos du prophète Mahomet. Comme aucune source ne permet de connaître son apparence, toute représentation graphique est nécessairement une œuvre d'imagination, comme, par exemple, dans le Jami al-tawarikh, car historiquement, l'Islam n'a pas toujours interdit les représentations figuratives[1]. Considérer une telle œuvre comme une caricature est donc une pure question d'interprétation, selon l'orientation idéologique choisie, exotérique tafsîr qui ne tolérera aucun dessin même révérencieux, ou ésotérique ta’wîl qui les tolérera tous, puisque la matérialité du prophète est inconnaissable, incertaine et sans importance pour le « croyant convaincu » (صادقمُؤْمِن sadiq Mu'min)[2].
Développement
[modifier | modifier le code]Dès le Moyen Âge, la traduction du Coran en latin commandée par Pierre le Vénérable contient une caricature de Mahomet, sous la forme d'un poisson[4].
Au XXIe siècle, plusieurs évènements majeurs, comme ceux liés aux caricatures de Mahomet du journal Jyllands-Posten au Danemark ou l'attentat contre Charlie Hebdo en France ont renforcé ce sentiment, et ont interrogé sur le droit au blasphème dans les sociétés occidentales.
Des initiatives en faveur de la liberté de caricaturer ont aussi vu le jour dans le monde anglo-saxon, notamment au travers du Everybody Draw Mohammed Day. Du fait des menaces de mort pesant sur les caricaturistes réalisant ces portraits humoristiques, la possibilité de réaliser ces caricatures est devenue un symbole de la liberté d'expression[5].
Diffusion et censure
[modifier | modifier le code]Les législations des pays de tradition musulmane permettent la censure des caricatures. Elles sont par conséquent peu ou pas diffusées[6] ; cependant l’écho de leurs publications dans les médias occidentaux entraine de vives réactions dans les pays à majorité musulmane, comme des manifestations de masse, voire des destructions d'églises et des assassinats[7].
Au Danemark
[modifier | modifier le code]La publication de caricatures de Mahomet le dans le journal danois Jyllands-Posten provoque d'importantes manifestations dans le monde arabe, largement instrumentalisé par les Frères musulmans[8].
En , l'ambassade danoise en Syrie et le consulat danois au Liban sont saccagés, leurs ressortissants rapatriés d'urgence[9].
En France
[modifier | modifier le code]La semaine suivant l'attentat contre Charlie Hebdo, l'hebdomadaire satirique français publie une caricature de Mahomet à la une du numéro 1178 du , avec en légende : « Tout est pardonné ». Le numéro est imprimé à 7 millions d'exemplaires.
En 2015, l'humoriste et chroniqueur Guillaume Meurice se voit interdire de présenter une caricature de Mahomet de Charb sur Canal+[10].
Après les assassinats de caricaturistes en 2015, très peu de dessinateurs se risquent à publier des caricatures de Mahomet[11], ce qui conduit Philippe Val, ancien directeur de rédaction de Charlie Hebdo à affirmer que « les terroristes ont gagné »[12].
Le , Samuel Paty, professeur de collège qui avait illustré son cours sur la liberté d'expression avec des caricatures de Mahomet est décapité par un islamiste. Le lendemain de cet assassinat, des militantes féministes se font arrêter pour avoir collé des affiches représentant les fesses de Mahomet[13].
Ailleurs
[modifier | modifier le code]Le , l'hebdomadaire espagnol El Jueves publie en couverture un dessin caricatural de Mahomet où l'on voit des musulmans parmi une file de suspects lors d'une séance d'identification de la police, avec la légende : « Mais (…) qui sait à quoi ressemble Mahomet ? »[14].
En Allemagne, le journal Die Tageszeitung reprend la une du numéro 1178 de Charlie Hebdo en date du .
En Italie, le journal Il Fatto Quotidiano publie ce même numéro de Charlie Hebdo avec son propre numéro du même jour.
En Turquie, le numéro de Charlie avec la caricature de la une est inséré dans un encart à l'intérieur du journal Cumhuriyet[15].
Le journal égyptien Al-Masry Al-Youm prend également le risque de reproduire une caricature de Mahomet[16].
Aux États-Unis, peu de caricatures sont diffusées dans les médias, la plupart des grands journaux pratiquant l'autocensure[17]. Il en est de même au Royaume-Uni[18].
Notes et références
[modifier | modifier le code]- Alfred-Louis de Prémare, Les fondations de l'islam : entre écriture et histoire, Éditions du Seuil, coll. « L'Univers historique », 2002, 522 p., (ISBN 978-2-02-037494-1).
- Henry Corbin, Histoire de la Philosophie islamique, Gallimard, Paris 1968, p. 21.
- Université de Californie du Sud, « The Prophet of Islam—His Biography » (consulté le ).
- « Coran - Une traduction polémique en latin », Bibliothèque nationale de France.
- Contribution externe, « Caricatures de Mahomet, liberté d'expression et blessures », sur La Libre.be (consulté le )
- BFMTV[1]
- Dominique Avon, « « L’affaire des caricatures ». Chronologie et mise en perspective », dans La caricature au risque des autorités politiques et religieuses, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », (ISBN 978-2-7535-6751-1, lire en ligne), p. 187–196
- « Le caricaturiste Danois s'explique sur ses dessins de Mahomet », sur www.20minutes.fr, (consulté le ).
- « Caricatures: Copenhague ferme plusieurs ambassades », sur LEFIGARO, (consulté le ).
- « Les artistes en terrain miné », le Figaro,
- Riss, « L'édito », Charlie Hebdo, no 1179,
- Entretien avec Philippe Val sur RTS
- Journal de Montréal[2]
- Un journal espagnol caricature Mahomet, Le Figaro, 27 septembre 2012.
- « Charlie » intégralement publié mercredi en Turquie », Alexandra Schwartzbrod, Libération, 13 janvier 2015 (lire en ligne)
- Solène Chalvon, « L'attentat vu d'ailleurs », Charlie hebdo, no 1178,
- Stéphanie Fontenoy, « Les caricatures de Mohammed divisent la presse américaine », la Croix,
- le 14-01-2015 RFI Modifié le 15-01-2015 à 00:56
Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Jacqueline Chabbi, « Rencontre avec Jacqueline Chabbi : Coran et caricatures en paroles », Les cahiers de l'Islam, (e-ISSN 2269-1995, consulté le )
- François Bœspflug, Le prophète de l'Islam en images : un sujet tabou ?, Montrouge, Bayard, , 187 p. (ISBN 978-2-227-48669-0)
- François Bœspflug, « Le Prophète de l’islam serait-il irreprésentable ? », Revue des sciences religieuses, vol. 87, no 2, , p. 139-159 (DOI https://doi.org/10.4000/rsr.1185)
- Micheline Centlivres-Demont et Pierre Centlivres, Imageries populaires en Islam, Genève, Georg, , 106 p. (ISBN 978-2-8257-0560-5), p. 26-35
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Articles connexes
[modifier | modifier le code]Sur la représentation et l'islam :
- Représentation figurée dans les arts de l'Islam
- Représentation de Mahomet
- Persepolis (film)
- Bouddhas de Bamiyan
- Mausolées de Tombouctou
- Destruction du patrimoine culturel par Daesh
- Statut juridique du blasphème dans le monde
Sur les caricatures et leurs conséquences :