Osirak
Osirak est le nom d'un ancien réacteur nucléaire expérimental de 70 MW situé en Irak dans le centre de recherche nucléaire d'Al-Tuwaitha au sud-est de Bagdad. Il est construit en 1975 par la France, et destiné à des recherches civiles sur le nucléaire. Il est détruit, d'abord partiellement par un raid de l'armée israélienne le (opération Opéra), puis à nouveau, par l'armée américaine en 1991, lors de la guerre du Golfe.
Accord franco-irakien
En 1975, Saddam Hussein se rend en week-end en Provence, où il rencontre Jacques Chirac, alors Premier ministre de Valéry Giscard d'Estaing qui s'était déjà rendu à Bagdad en . Saddam Hussein rencontre également Giscard à Paris, et visite le centre de Cadarache avec Chirac. Ce fut le seul voyage à l'étranger du dictateur irakien[1].
Le , le journal libanais El Ousbou El Arabi publie une déclaration du vice-président irakien Saddam Hussein : « L'accord avec la France est le premier pas concret vers la production de l'arme atomique arabe ». Le , un accord de coopération nucléaire franco-irakien est signé à Bagdad[1]. Le texte précise qu'il s'agit d'une utilisation pacifique du nucléaire[2].
Le projet de s'équiper d'un réacteur de 1 500 MW est abandonné, et c'est un petit réacteur de recherche, Osirak, copie conforme du réacteur nucléaire de recherche français Osiris installé à Saclay (puissance de 70 MW)[1]. Saint-Gobain, Bouygues et Technicatome, partenaires du CEA, sont chargés du contrat[1]. La centrale doit comporter en fait deux réacteurs : Osirak (appelé Tamuz 1 par les Irakiens) et un petit, Isis (Tamuz 2)[1].
Le , le Mossad, une agence de renseignement israélienne, détruit avec des bombes à charge creuse, lors d'une opération commando à l'intérieur de l'usine de Constructions navales et industrielles de la Méditerranée (CNIM), à La Seyne-sur-Mer (Var), la cuve en acier du réacteur d'Osirak[1]. La France répare les dégâts, mais dans la nuit du 13 au , le Mossad égorge dans un hôtel parisien l'égyptien Yahya Al-Meshad, membre de la Commission atomique irakienne[1]. Des ingénieurs du CEA reçoivent par ailleurs des lettres de menace[1].
Le , au début de la guerre Iran-Irak, deux chasseurs-bombardiers F-4 Phantom de la force aérienne de la République islamique d'Iran attaquent lors de l'Opération Scorch Sword avec 12 bombes Mk 82 le centre de recherches de Tuwaitha à Bagdad mais sans toucher directement les deux réacteurs Osirak et Isis. Il s'agit de la première attaque militaire visant un site nucléaire[3].
Finalement, le réacteur a été détruit lors d'un bombardement mené par Israël qui craignait que l'Irak n'accède à l'arme nucléaire par 8 F-16 et 6 F-15 avec 16 bombes d'une tonne, le . C'est l'opération Opéra à laquelle participe le colonel et premier astronaute israélien, Ilan Ramon, ainsi qu'Amos Yadlin (en), futur chef de l'Amam, les services de renseignements militaires. Cette opération avait été volontairement organisée un dimanche afin de minimiser les pertes humaines éventuelles. Cependant, dix militaires irakiens et un civil français furent tués lors de ce bombardement israélien. Le civil français était Damien Chaussepied, un ingénieur INSA de 25 ans, qui travaillait pour Air liquide et le CEA.
Conjectures, polémiques et ventes d'armes à l'Irak
La décision de doter l'Irak de technologies nucléaires ayant été prise par le premier ministre français de l'époque, Jacques Chirac, le réacteur est ironiquement surnommé Ô Chirac par les Israéliens et une partie de la presse francophone. La centrale pouvait produire du plutonium, mais cela fut toujours démenti par le CEA[1]. En 1990, l'ancien ministre de la Défense et administrateur du CEA à l'époque de la visite en France de Saddam Hussein, André Giraud, assura que ce contrat ne pouvait mener l'Irak à acquérir la bombe atomique[4]. Cela fut cependant contesté, entre autres par un article dans les Temps modernes écrit par Georges Amsel et d'autres physiciens, dans lequel ils affirmaient que si la France avait, comme prévu, livré les six charges d'uranium enrichi à 93 % (80 kg) prévues dans le contrat (seules deux charges furent livrées, à la suite des pressions américaines et israéliennes), « c'était là de quoi offrir sur un plateau à l'Irak de quoi faire cinq bombes atomiques »[5].
La France a finalement décliné la demande de reconstruction du réacteur en 1984 après avoir donné une aide technique initiale. En revanche, elle livra à l'Irak beaucoup d'armes lors de la guerre Iran-Irak (près de 900 missiles antinavires Exocet, plus de 130 Mirage F1, etc.), l'Irak recevant alors 1/3 des exportations d'armement françaises[1], pour 17 milliards de dollars entre 1980 et 1986[1].
Raids américains
En 1991, durant l'opération « Tempête du désert », plusieurs raids massifs de F-117 et de F-111 détruisent le complexe qui était l'un des plus fortifiés d'Irak[6].
Référence
- Jean Guisnel, Histoire secrète de la Ve République, Éditions La Découverte, coll. « Cahiers libres », , 752 p. (ISBN 978-2-7071-4902-2), « La France, premier proliférateur nucléaire », p. 242-255.
- [PDF] http://www.doc.diplomatie.gouv.fr/BASIS/pacte/webext/bilat/DDD/19750139.pdf.
- (en) Tom Cooper, Farzad Bishop, « Target: Saddal's Reactor - Israeli and Iranian operations against Iraqi plans to develop nuclear weapons », sur Angelfire, (consulté le ).
- Le Figaro, 13 septembre 1990, cité par J. Guisnel, art. cit.
- Georges Amsel, Jean-Pierre Pharabod et Raymond Sené, « Osirak et la prolifération des armes atomiques », Les Temps modernes, septembre 1981, no 422, cité par J. Guisnel, art.cit.
- Jérôme de Lespinois, « La guerre du Golfe et le renouveau de la puissance aérienne », Guerres mondiales et conflits contemporains, vol. 244, no 4, , p. 63-80 (DOI 10.3917/gmcc.244.0063, lire en ligne)
Voir aussi
Articles connexes
- Programme nucléaire de la France
- Armes de destruction massive en Irak
- Relations entre la France et l'Irak