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Le Royaume de Çrīvijaya

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Le Royaume de Çrīvijaya[1]

H. Kern a publié dans les Bijdragen de 1913 (Deel 67, p. 393) une curieuse inscription trouvée à Kota Kapur, dans le district occidental de l’île de Bangka [2]. Cette inscription, qui date probablement de 608 çaka [3], est rédigée en une sorte de malais dont le savant éditeur n’a pas réussi à élucider toutes les obscurités. Le sens général du document se laisse toutefois assez bien saisir : c’est, selon H. Kern, un édit de Sa Majesté Vijaya prononçant des malédictions contre diverses catégories de malfaiteurs et ceux qui endommageraient la stèle, et des bénédictions pour ceux qui obéiront loyalement à leur souverain.

Le nom que H. Kern a traduit par « Sa Majesté Vijaya » apparaît trois fois dans le cours de l’inscription, les trois fois sous la forme Çrīvijaya, sans aucun titre royal. Voici du reste les passages visés :

— l. 2 : maṅraksa yaṅ kadatuan çrīvijaya, « (ô puissantes divinités) qui protégez le royaume de Çrīvijaya ».

— l. 4 : tīda ya bhakti tīda ya tattvārjava diy āku.... nisuruḥ tāpik ya mulaṅ parvvāṇḍān dātu çrīvijaya, « ceux qui ne sont pas dévoués, ceux qui ne sont pas loyaux envers moi.... qu’ils soient punis avec... (?)... des nobles (dātu) de Çrīvijaya ».

— l. 10 : nipāhat di velāñā yan vala çrīvijaya kalivat manāpik yaṅ bhūmi jāva tida bhakti ka çrīvijaya, « (cette inscription) a été gravée au moment où l’armée de Çrīvijaya a chātié (?) le pays de Jāva qui n’obéissait pas à Çrīvijaya ».

Si, avec H. Kern, on prend Çrīvijaya comme un nom de roi, il faut supposer que dans la même phrase (l. 4) ce roi parle de lui successivement à la première et à la troisième personne : « Ceux qui ne m’obéissent pas... seront punis par les dātus de S. M. Vijaya ». Ce changement de personne, admissible à la rigueur dans un texte un peu long [4], me semble invraisemblable dans le cours d’une même phrase. La difficulté disparaît si l’on prend Çrīvijaya, non plus comme un nom de personne, mais comme un nom de pays. Que l’on se reporte aux trois phrases citées plus haut, et l’on verra que rien, dans le contexte, n’oblige à interpréter Çrīvijaya comme le nom d’un roi plutôt que comme celui d’un royaume. L’absence, déjà signalée, de tout titre royal serait surprenante s’il s’agissait réellement d’un prince nommé Vijava ou Çrīvijaya. Jointe à la difficulté syntactique que je viens de souligner, elle me semble entraîner la conclusion que l’inscription de Bangka émane, non pas de « Sa Majesté Vijaya », mais d’un personnage anonyme qui était chef d’un Etat malais indouisé nommé Çrīvijaya.

On va retrouver ce nom dans une inscription du VIIIe siècle, découverte dans la Péninsule malaise à Vieng Sa (au Sud de la baie de Bandon) [5].

M. Finot, qui a étudié cette inscription sur un estampage rapporté en France par le Ct. L. de Lajonquière, en donne l’analyse suivante (BCAI., 1910. p. 153) : « Le document date de 697 çaka (775 A. D.). Il débute par l’éloge d’un roi Jayendra et d’un roi Çrī-Vijayeçvara, qui fonda un sanctuaire du Buddha (Māranisūdanavajrinivāsam). Il chargea ensuite son chapelain (rājasthavira) Jayanta d’élever trois stūpas ; à la mort de Jayanta, son disciple Adhimukti construisit deux caityas de briques près des trois premiers ».

L’examen direct de la pierre permet d’obtenir une lecture beaucoup plus complète que le déchiffrement de l’estampage (Voir à l’appendice I le texte et la traduction de ce document). L’inscription ne parle pas de deux rois nommés Jayendra et Çrī-Vijayeçvara, mais d’un seul roi dont le nom apparaît trois fois sous trois formes différentes :

Çrīvijayendrarāja (l. 14). Çrīvijaycçvarabhūpati (l. 16). Çrīvijayanrpati (l. 28).

S’agit-il d’un roi nommé Çrīvijaya ? La troisième forme Çrīvijayanrpati peut s’interpréter de cette façon, mais les deux premières me paraissent incompatibles avec une pareille traduction. Dans l’épigraphie indochinoise, indra ou īçvara ne sont jamais employés comme second terme d’un composé karmadhāraya, avec le sens de « roi » : par exemple, on ne rencontrera jamais une forme telle que Jayavarmendra(rāja) ou Jayavarmeçvar(bhūpati) [6] pour désigner « le roi Jayavarman ». Par contre, indra et īçvara sont d’un emploi constant comme second membre d’un composé tatpuruṣa, et les expressions bien connues de Kambujendra, Kambujeçvara, « roi des Kambujas (ou du pays des Kambujas) », sont en quelque sorte les titres officiels des rois khmèrs [7].

Aussi, par analogie avec ces expressions bien connues, n’hésité-je pas à traduire Çrīvijayendrarāja, Çrīvijayeçvarabhūpati et Çrīvijayanrpati par « roi (du pays) de Çrīvijaya ».

Voilà donc deux inscriptions des VIIe-VIIIe siècles émanant toutes deux d’un royaume nommé Çrīvijaya. S’agit-il dans les deux cas d’un seul et même pays ? En d’autres termes, aurait-il existé à cette époque un royaume étendant sa suzeraineté de Bangka à Vieng Sa ? L’examen paléographique des inscriptions n’y contredit nullement. L’écriture de la stèle de Vieng Sa, surtout celle de l’inscription inachevée de la seconde face, présente les plus grandes ressemblances avec celle des inscriptions javanaises de la même époque [8]. D’autre part, cette même inscription inachevée débute par l’éloge d’un roi Çrī-Mahārāja : or, on sait par les Arabes d’une part que ce titre de Mahārāja (inusité dans l’épigraphie indochinoise) était particulier aux rois du Zābadj [9], et par les Chinois d’autre part que le même titre fut porté par plusieurs souverains du royaume de Palembang [10].

Mais l’existence d’un royaume ayant laissé des traces tangibles en deux endroits aussi éloignés l’un de l’autre que Bangka et Vieng Sa, et portant un nom inconnu jusqu’ici, est un fait nouveau d’une importance assez grande pour qu’il convienne de rechercher s’il n’y a pas, en dehors de ces rapprochements un peu vagues, d’autres arguments plus solides pour l’étayer.


En réalité, le nom de Çrīvijaya n’est pas complètement inconnu comme nom de pays. Il figure d’abord dans un manuscrit népalais à miniatures datant au plus tard du début du XIe siècle, sur lequel M. A. Foucher a basé sa première Etude sur l’iconographie bouddhique de l’Inde. La miniature 23 du ms. Cambridge Add. 1643, qui représente Avalokiteçvara à quatre bras entre Tārā et Mārīcī, porte comme titre : Suvarṇṇapure Çrīvijayapure Lokanātha, « Avalokiteçvara à Çrīvijayapura dans Suvarnapura [11] ». Mais cette citation n’avance pas à grand’chose, étant donné que Suvarnapura peut aussi bien désigner la Birmanie (Suvarnabhūmi) que Sumatra (Suvarṇadvīpa).

Le nom de Çrīvijaya se rencontre d’autre part à plusieurs reprises dans l’épigraphie de la dynastie indienne des Colas. Sous le règne de Rājarāja I (985-1012 A. D.), une inscription sanskrite et tamoule de la 21e année de ce roi [12] commémore la donation d’un village à un temple bouddhique de Negapatam, commencé par Cūlāmaṇivarman et achevé par Māravijayottuṅgavarman. Ce dernier, fils du précédent, est appelé (l. 80) « roi de Katāha (Kaṭāhādhipati) et de Çrīvisaya (Çrīviṣayādhipatī) » [13]. L’inscription ajoute qu’il appartient à la « famille du Roi des Monts » (çailendravamça). Or l’inscription inachevée, gravée sur la seconde face de la stèle de Vieng Sa, dit justement que le roi Çrī Mahārāja est issu du çailendravamça. Cela prouve pour le moins qu’en rapprochant le Çrīvijaya de la stèle de Vieng Sa, du Çrīvisaya de la charte de Rājarāja I, je ne m’égare pas dans mes recherches.

Le pays de Katāha sur lequel régnait le roi de Çrīvisaya, et que le texte tamoul de la charte nomme Kidāram, joue un rôle important dans l’épigraphie de Rājendracola I (1012-1042 A. D.). Ce prince audacieux, après avoir conquis l’Inde jusqu’au Gange, aurait porté ses armes au-delà des mers et conquis Kadāram avec qui les liens d’amitié attestés du vivant de son père s’étaient apparemment rompus [14]. Il se serait emparé en même temps d’une série de pays qui se trouvent énumérés dans deux inscriptions de la treizième et de la dix-neuvième année de son règne et en tête desquels figure Çrīvijayam. Cette liste a déjà été publiée à diverses reprises [15], mais comme je vais avoir à la discuter en détail, je suis obligé de la reproduire encore une fois, d’après l’inscription de Tanjore de 1030 publiée par M. Hultzsch :

« Ayant envoyé de nombreux navires au milieu de la mer mouvante et s’étant emparé de Sangrāmavijayottu ṅgavarman, roi de Kadāram, avec les éléphants en rut qui lui servaient de montures et qui dans les batailles (étaient aussi impétueux) que la mer, (il prit aussi) la quantité de trésors que (ce roi de Kadāram) avait justement accumulés, le Vidyādharatorāṇa, la « Porte de la guerre » de la grande cité ennemie, la « Porte des joyaux » splendidement ornée, la « Porte des grands joyaux » [16], le prospère Çrīvijayam [17], Paṇṇai arrosé par la rivière, l’ancien Malaiyūr (avec) un fort situé sur une haute colline, Māyirudiṅgam entouré par la mer profonde (comme par) un fossé, Ilaṅgāçogam indompté (dans) de terribles batailles, Māppappālam défendu par d’abondantes eaux profondes, Mevilimbaṅgam défendu par de belles murailles, Valaippandūru possédant (à la fois) des terres cultivées (?) et des terres incultes, Talaitlakkolam loué par de grands hommes (versés dans) les sciences, Mādamāliṅgam intrépide dans les grands et terribles combats, Ilāmurideçam dont la terrible force fut vaincue par une violente (attaque), Māṇakkavāram dont les jardins de fleurs (ressemblaient) à la ceinture (de la nymphe) de la région méridionale, et Kadāram à la force terrible, qui était protégé par la mer voisine ».

L’étude de cette liste permet-elle d’identifier le pays de Çrīvijaya ? Il s’agit d’abord de déterminer en quoi ont consisté les conquêtes, plus ou moins réelles, de Rājendracola I « au-delà de la mer mouvante ».

Mais, auparavant, il importe de souligner un fait qui semble avoir échappé à la plupart des auteurs qui ont abordé ce problème. La liste des pays conquis par Rājendracola I forme un tout, dont il est impossible de dissocier les divers éléments. Le texte dit en effet que Rājendracola I, après avoir vaincu le roi de Kadāram, s’empara de ses trésors, puis d’un certain nombre de pays, et enfin de Kadāram. Il s’agit donc d’une même campagne, et il est a priori infiniment probable que les différents pays énumérés étaient soit des Etats vassaux du roi de Kadāram, soit même simplement les différentes villes ou provinces de son royaume : cela est même certain pour le premier nom de la liste, puisque l’on a vu que le roi de Katāha (= Kadāram) était en même temps roi de Çrīvisaya. Cela, les épigraphistes, M. Hultzsch [18] et M. Venkayya [19] l’avaient bien compris, et si tout le monde avait eu ce fait présent à l’esprit, bien des erreurs eussent été évitées [20]. Les identifications des divers pays conquis par Rājendracola I sont, je le répète, solidaires les unes des autres, et si l’on arrive à localiser Kadāram, le cercle des recherches, en ce qui concerne les autres, sera immédiatement restreint aux contrées se trouvant dans le voisinage ou sous la dépendance politique du pays trouvé. M. Hultzsch avait d’abord, en 1891, identifié Kadāram avec une localité portant aujourd’hui ce nom et située dans le district de Madura [21]. Mais M. Venkayya ayant, sept ans plus tard, reconnu dans -Nakkavāram les îles Nicobar, et dans -Pappālam un port du Pégou cité dans le Mahāvamsa (LXXVI, 83) [22], M. Hultzsch était obligé, en 1903, de revenir sur sa première identification qui, comme il le reconnaissait lui-même, était peu compatible avec l’expédition navale mentionnée dans les textes épigraphiques, et il proposait de chercher Kadāram « en Indochine », sans d’ailleurs préciser davantage [23]. Entre temps, M. Kanakasabhai avait retrouvé dans Talaittakkolam le Takôla de Ptolémée, et émis l’opinion que Kidāram pūt être (Siri) khettarā, c’est-à-dire l’ancien site de Prome en Birmanie [24]. Cette opinion fut adoptée par M. V. A. Smith qui y ajouta l’identification de Mādamāliṅgam à Martaban [25], et par Kielhorn [26]. M. Taw Sein Ko ne prétendait-il pas avoir retrouvé à Pégou deux piliers de granit élevés par le roi Cola pour commémorer ses conquêtes [27] ? Mais M. Venkayya a montré depuis que cette histoire est sans fondement [28], et a fait de justes réserves sur le rapprochement phonétique entre Kidāram et Khettarā [29]. Enfin, tout récemment, M. Blagden vient d’élever, contre l’identification de Kadāram au Pégou, les plus sérieuses objections [30].

On voit que le problème n’est pas nouveau et qu’il a déjà fait couler pas mal d’encre. Et cependant, depuis 1880, époque à laquelle Groeneveldt publia ses Notes on the Malay Archipelago, le monde savant dispose, en traduction anglaise, d’un passage des Annales des Song, qui a été reproduit successivement par Schlegel, Gerini, M. G. Ferrand [31], et qui permet de trancher la question.

J’ai dit plus haut que la grande charte de Rājarāja I (1005 A. D.) nomme deux rois de Kidāram ou, comme le dit le texte sanskrit, deux rois de Katāha et Çrīvisaya : Çrī Cūlāmanivarman, et son fils Çrī Māravijayottungavarman qui régnait au moment où l’inscription fut composée. Or les Annales des Song mentionnent, en 1003 et en 1008, deux ambassades du pays de San-fo-ts’i, la première envoyée par le roi Sseu-li-tchou-lo-wou-ni-fo-ma-tiao-houa et la seconde par le roi Sseu-li-ma-lo-p’i. Il n’est même pas nécessaire d’être sinologue pour reconnaître dans le premier nom une magnifique transcription de Çrī Cūlāmanivarmadeva [32], et dans le second la transcription des premières syllabes de Çrī Māravijayottuṅgavarman [33].

Ce texte semble décisif : les rois de Katāha (Kadāram) et de Çrīvijaya ne sont autres que les rois du San-fo-ts’i, c’est-à-dire du royaume de Palembang. Tout au plus pourrait-on s’étonner de ne trouver trace dans les annales chinoises, ni du nom de Sangrāmavijayottuṅgavarman, ni de la conquête de Rājendracola : la réponse à cette objection est facile. D’abord, rien n’empêche de supposer que Sangrāmavijayottuṅgavarman ne soit identique à ce roi du San-fo-ts’i que les Annales des Song [34] mentionnent en 1017 sous le nom de Hia-tch’e-sou-wou-tch’a-p’ou-mi qui n’est pas un nom personnel, mais bien un titre, dans lequel M. G. Ferrand vient de retrouver l’expression Haji Sumutrabhūmi, « roi de la terre de Sumatra » [35]. Mais cette conjecture n’est même pas nécessaire. En effet, la conquête de Kadāram qui apparaît pour la première fois dans une inscription de la treizième année de Rājendracola I (1024 A. D.) n’est pas encore citée dans les inscriptions de la douzième année (1023) qui énumèrent toutes ses autres victoires [36]. Elle doit donc dater de 1023-1024. Or, les Annales des Song ne mentionnant aucune ambassade du San-fo-ts’i entre 1017 et 1028, il n’est pas surprenant qu’elles ne livrent pas le nom d’un roi qui régnait, vers 1024, d’une royauté qui fut peut-être éphémère. Quant à leur silence sur la prétendue conquête du pays par les Colas, il ne doit pas étonner davantage : car en admettant que le roi Sangrāmavijayottuṅgavarman ait été réellement fait prisonnier par Rājendracoja I, celui-ci, une fois retourné dans ses états, se trouvait évidemment trop loin pour que sa victoire eût d’autres conséquences politiques qu’une vague reconnaissance de sa suzeraineté. On a vu plus haut qu’un de ses successeurs, Vïrarājendra I, qui se vante lui aussi en 1068 d’avoir conquis Kadāram, s’empressa de le rendre à son roi : c’est ce qu’il avait de mieux à aire, car il eūt été bien en peine de tirer parti de sa victoire et d’administrer un pays situé si loin « au-delà de la mer mouvante ». D’ailleurs quelques années plus tard, c’est le San-fo-ts’i qui, à son tour, prétend exercer sa suzeraineté sur les Colas : c’est du moins ce que ses envoyés ont été raconter à la cour de Chine. On lit en effet dans Ma-touan-lin, à propos d’une ambassade du Pou-kan (Pagan) en 1106 : «L’empereur donna tout d’abord l’ordre de les recevoir et de les traiter comme on avait fait pour les envoyés du Tchou-lien (Cola) ; mais le président du Conseil des Rites présenta les observations que voici : le Tchou-lien est vassal de San-fo-ts’i ; c’est pourquoi dans les années hi-ning (1068-1077), on s’est contenté d’écrire au roi de ce pays sur papier fort avec une enveloppe d’étoffe unie. Le roi de Pou-kan au contraire est souverain d’un grand royaume des Fan... » [37].

Ce passage est intéressant, car, en nous montrant que des relations politiques existaient au XIe siècle entre les Colas et le San-fo-ts’i, il fournit un nouvel argument en faveur de l’identification du « roi de Kadāram » avec le roi de Palembang.

Cela posé, il convient d’examiner la liste des pays conquis par Rājendracola I sur le roi de Kadāram (en laissant provisoirement de côté les noms de Kadāram [Kidāram, Katāha] et de Çrīvijaya). On va voir que la plupart d’entre eux se laissent reconnaître comme des états voisins du royaume de Palembang, ou s’étant trouvés à certain moment sous sa dépendance.

— PANNAI. Ce pays est probablement identique au Pane que le Nāgarakrtāgama nomme parmi les états de Sumatra dépendant, au XIVe siècle, de Majapahit. à côté de Jambi, Palembang, etc., et que Gerini place au moderne Pani ou Panei sur la côte E. de l’île [38]. Mais l’identification reste naturellement un peu hypothétique.

— MALAIYŪR. Il s’agit évidemment du pays de Malāyu d’où les Européens ont tiré le nom des Malais. La localisation exacte de ce pays a fait l’objet, depuis de longues années, de toute une série d’hypothèses qu’on trouvera réunies et discutées dans les Deux itinéraires de M. Pelliot (BEFEO., IV. p. 326 et suiv.) et dans les Researches de Gerini (p. 528 et suiv.). Que l’on place le Malāyu sur la côte occidentale de Sumatra, ou sur la côte orientale, ou même dans le Sud de la Péninsule Malaise [39], c’était dans tous les cas un pays qui se trouvait, au témoignage du pèlerin Yi-tsing, dans le voisinage immédiat du Che-li-fo-che (nom par lequel les Chinois désignèrent le royaume de Palembang avant d’employer la forme San-fo-ts’i). L’annexion du Malāyu par le Che-li-fo-che peut même, grâce à un passage de Yi-tsing, être datée entre 672 et 705 A. D. [40] : cette donnée suffit à l’enquête que je poursuis en ce moment.

On sait que le nom du Malāyu apparaît dans les textes sous deux formes distinctes, l’une avec r final, l’autre beaucoup plus fréquente, sans r. L’inscription tamoule de Rājendracola I fournit un nouvel exemple de la première forme qui n’était attestée jusqu’ici que par quelques auteurs ara bes (Malāyur) [41], un passage des Annales des Yuan (Ma-li-yu-eul) [42], et par Marco Polo (Malaiur) [43].

— MAYIRUDINGAM. ° est en tamoul une syncope usuelle de skr. Mahā° en composition : tamoul māmuni = skr. Mahāmuni, tamoul māppirayaltaṇam = skr. mahāvīrya, etc. C’est d’ailleurs de cette façon que M. Hultzsch a expliqué les noms de Māppappālam et Mānakkavāram, qu’il a finalement proposé de traduire par « le grand Pappālam » et « le grand Nakkavāram » [44]. On verra tout à l’heure que la même explication est valable pour Mādamāliṅgam. Cela autorise au moins à chercher si, au lieu de Māyirudiṅgam qui ne rappelle rien de connu, il ne vaut pas mieux lire -Yirudiṅgam, « le grand Yirudiṅgam ». Justement, parmi les quinze Etats dépendant du San-fo-ts’i au XIIIe siècle, Tchao Jou-koua cite un pays de Je-lot’ing [45], dont le nom parait bien correspondre à Yirudiṅgam. Sans doute, le chinois je n’est pas un équivalent très exact du tamoul yi. Mais il est bien évident que la forme chinoise n’est pas une transcription de la forme tamoule : l’une et l’autre sont des tentatives indépendantes pour rendre un nom indigène. Et je crois que dans l’ensemble, l’identification proposée est assez satisfaisante pour avoir quelque chance d’être acceptée.

Diverses localités ont été mises en avant pour le Je-lo-t’ing de Tchao Jou-koua : Schlegel pensait à Jeluton dans l’île de Bangka [46], Gerini proposa à la fois Jelatang au Sud-Ouest de Jambi [47], Jelutong en Johore et Jelutong en Selangor [48]. Ces rapprochements valent ce que valent tous les rapprochements basés sur une simple analogie phonétique entre deux noms géographiques attestés à sept ou huit siècles d’intervalle, c’est-à-dire peu de chose. Mais il y a dans le livre de Tchao Jou-koua un passage qui, sans permettre de localiser exactement Je-lo-t’ing. indique cependant assez clairement dans quelle région il faut le chercher.

On lit en effet dans le Tchou fan tche [49], à propos des dépendances du San-fo-ts’i : « Je-lo-t’ing, Ts’ien-mai. Pa-t’a, et Kia-lo-hi sont de la même sorte (que Tan-ma-ling) » [50]. Les traducteurs, MM. Hirth et Rockhill, supposent qu’il faut entendre par là que les races, coutumes et produits de ces divers pays sont les mêmes [51]. Il faut même entendre sans doute qu’ils sont voisins, car la même expression revient un peu plus loin, à propos du Fo-lo-an : « Ses voisins P’eng-fong, Teng-ya-nong, et Ki-lan-tan sont comme lui » [52]. P’eng-fong (= Pahang), Teng-ya-nong (= Trengganu), et Ki-lan-tan (= Kelantan) [53] sont en effet limitrophes les uns des autres, et tous également situés, au point de vue des productions naturelles, dans la zone de la « flore malaise » [54]. On est ainsi amené à supposer, par analogie, que Je-lo-t’ing. Ts’ien-mai, Pa-t’a, Kia-lo-hi et Tan-ma-ling sont des pays voisins les uns des autres et situés dans une même zone. Or, on verra par la suite que Kia-lo-hi = Grahi se trouvait à Jaiya [55], et que Tan-ma-ling était dans la même région [56]. Je-lo-t’ing devait donc se trouver quelque part vers le centre de la Péninsule Malaise. Et, par opposition au groupe méridional P’eng-fong, Teng-ya-nong, Ki-lan-tan, Fo-lo-an, le groupe Je-lo-t’ing, Ts’ien-mai, Pa-t’a, Kia-lo-hi, Tan-ma-ling représente apparemment les dépendances plus septentrionales du San-fo-ts’i dans une région caractérisée au point de vue naturel par la flore dite « siamoise » [57], et au point de vue des mœurs par la prédominance de la civilisation khmère [58].

— ILANGĀÇOGAM. M. G. Ferrand a correctement identifié ce pays avec le Ling-ya-sseu-kia que Tchao Jou-koua nomme parmi les dépendances du San-fo-ts’i. et avec le Lenkasuka que le Nāgarakrtāgama cite, un siècle et demi plus tard, comme tributaire de Majapahit [59]. L’ i initial ne fait pas difficulté, le tamoul ajoutant souvent un i au début des mots étrangers commençant par une linguale ou une liquide [60]. Quant à la consonne que, d’après M. Hultzsch, je transcris g, c’est l’unique explosive gutturale du tamoul, laquelle sert à transcrire aussi bien k que kh, g, ou gh.

On peut localiser ce pays assez exactement. Gerini a rappelé avec raison que Leṅkasuka est cité sous la forme Laṅkasuka par le Hikayat MaroṅMahawaṅsa [61]. Suivant ce texte, appelé assez improprement « Annales de Kědah», qui fut traduit jadis par J. Low [62], et qui vient d’être publié, en transcription latine [63], Lankasuka fut la première résidence fondée par Maroṅ Mahawaṅsa (ambassadeur du pays de Rum envoyé en Chine), après qu’il eût été obligé d’atterrir sur la côte de la Péninsule Malaise, en face de Pulau Sěri (ou Srai). « Ayant quitté son bateau, dit la traduction de J. Low, Maron Mahawaṅsa construisit un fort entouré d’un fossé ainsi qu’un palais et une vaste salle d’audience à laquelle il donna le nom de Lankasuka, parce qu’elle avait été construite au milieu de toutes sortes de réjouissances et de fêtes » [64]. Avant de retourner au pays de Rum, il consacra roi son fils sous le nom de Raja Mahapodisat et donna au pays le nom de Kědah. A cette époque Pulau Sëri était déjà réuni au continent : cette ancienne île est devenue la colline nommée aujourd’hui Gunong Jěrai (Kědah Peak) [65]. Plus tard, le fils de Mahapodisat, Raja Sěri Mahawaṅsa « se fatigua de vivre à Lankasuka qui était maintenant loin de la mer ». Il se fit construire une résidence «plus bas, parce que la rivière y était large et profonde », et il se fit faire un petit palais provisoire en un lieu nommé Srokam [66].

Tous ces faits sont donnés sans aucune date, et entremêlés de récits merveilleux et confus. Mais, ce qui permet de supposer que ce Lankasuka n’est pas une invention de l’auteur des Annales de Këdah, c’est un intéressant renseignement dū à M. Blagden. d’après lequel le nom de Lankasuka est encore vivant dans la mémoire des Malais de la région [67].

M. Pelliot, qui s’est incidemment occupé de cette question dans sa critique du Cambodge de M. Aymonier, a proposé d’identifier le Ling-ya-sseu-kia de Tchao Jou-koua au Lang-ya-sieou du Souei Chou, au Lang-kia-chou de Yi-tsing ( = Kāmalahka de Hiuan-tsang), et de placer ce pays au Tenasserim dont le nom pégouan est Ñankasī [68].

Le passage des Annales de Kědah cité plus haut, qui ne paraît pas avoir attiré l’attention de M. Pelliot, semble obliger à dissocier complètement Ling-ya-sseu-kia = Lankasuka (Gunong Jěrai) du Lang-ya-sieou, Langya-siu, ou Lang-kia-chou connu aux VIe-VIIe siècles, qui correspond peut-être en effet au Tenasserim.

La mention de Lankasuka dans l’inscription tamoule de 1030 est importante, car elle ruine une théorie hasardeuse de Gerini, et montre une fois de plus la fragilité des chronologies basées sur des romans historiques qui relèvent plutôt du folklore que de l’histoire proprement dite. Gerini avait d’abord commencé par tirer des Annales de Kědah la chronologie suivante (j’ai dit plus haut que ce texte ne contenait pas une seule date !) :

— env. 1300 A. D. : fondation de Lankasuka par Maron Mahawansa ;

— immédiatement après 1380 : avènement de Mahapodisat et changement du nom du pays en celui de Këdah ;

— vers 1400 : abandon de Lankasuka [69].

Mais, Lankasuka se trouvant cité par Tchao Jou-koua qui écrivait au début du XIIIe siècle, Gerini était obligé de faire remonter la fondation de ce pays à la lin du XIIe siècle et « d’intercaler une demi-douzaine de petits rois inconnus entre cette date et l’avènement de Mahapodisat sous le règne de qui le pays changea son nom en celui de Kědah » [70].

Si Gerini s’était aperçu que Lankasuka est mentionné dans une inscription de 1030, ce n’est plus une « demi-douzaine de petits rois » qu’il eût été obligé d’intercaler, mais bien une douzaine tout entière. En fait, cette ancienne et authentique mention de Lankasuka suffit à renverser ce fragile édifice chronologique. Et d’ailleurs, l’inscription bouddhique qui a été trouvée à Bukit Murriam [71], un peu au Sud de Gunong Jěrai, et que Kern faisait remonter au début du Ve siècle [72], prouve que le site est très ancien. Si l’on ignore à quelle époque remonte la fondation et la dénomination de Lankasuka, on verra plus loin que le nom de Kědah apparaît peut-être dès le VIIe siècle. Ceci, joint au fait que Gunong Jěrai était encore une île lors de l’arrivée de Maron Mahawansa, force à reculer l’existence de ce personnage dans un passé qui confine à la légende.

De toute cette discussion, il suffira, pour l’objet de la présente recherche, de retenir l’identification d’Ilangāçogam avec Lankasuka, sa localisation dans le Sud de l’Etat de Kědah, et sa dépendance vis-à-vis du royaume de Palembang.

— MA-PPAPPALAM. On a vu plus haut que M. Venkayya avait retrouvé ce nom dans le Mahāvamsa [73]. À propos de l’expédition de Parakkamabāhu contre le Pégou (Rāmaññadesa) vers 1180, le poème raconte comment les vaisseaux singhalais furent en partie dispersés par une tempête avant d’avoir atteint leur but : « Mais cinq d’entre eux qui portaient une nombreuse troupe d’hommes vigoureux atterrirent au port de Kusumi dans le pays de Rāmanna... et le navire commandé par le général tamoul Ādicca jeta l’ancre au port de Papphāla, dans ce pays » (Mhv., LXXVI, 59,63-64). L’identification proposée par M. Venkayya a été adoptée par M. Hultzsch [74] : elle est d’ailleurs inattaquable, au point de vue phonétique. La mention, parmi les pays conquis sur le roi de Kadāram, du port de Papphāla situé, selon le Mahāvamsa, en territoire pégouan, semble en contradiction avec la thèse que je soutiens. Mais la contradiction n’est peut-être qu’apparente. On sait d’une part que vers le XIe siècle [75], la suzeraineté de Pagan, dont dépendait le Pégou [76], s’étendait vers le Sud, au moins jusqu’à Mergui, puisque M. de Lajonquière a découvert en cet endroit une stèle pâlie au nom d’un roi d’Arimaddana, c’est-à-dire de Pagan [77]. D’autre part, un des griefs invoqués par Parakkamabāhu contre le roi de Pagan était le rapt d’une princesse singhalaise envoyée au Cambodge (Mhv., LXXVI. 35). Comme il est infiniment probable que les messagers se rendant de Ceylan au Cambodge passaient par l’isthme de Kra, c’est dans ces parages que le rapt avait dû être commis, et, conséquemment, l’autorité du roi de Pagan devait s’étendre jusque là [78]. Si Papphāla se trouvait sur la côte O. de l’isthme de Kra, rien n’empêche de supposer que cette localité qui, à la fin du XIIe siècle, appartenait au Pégou, ait été au début du XIe sous la dépendance de Palembang, dont la suzeraineté, ainsi qu’on le verra par la suite, s’étendait alors jusqu’à la baie de Bandon.

Je ne me dissimule pas ce que ces propositions ont d’hypothétique, et je n’entends nullement affirmer que Papphāla se trouvait effectivement sur l’isthme de Kra. J’ai simplement voulu montrer que la chose était possible et que, par suite, la présence, parmi les conquêtes de Rājendracoja I, d’une localité ayant fait partie du Pégou au XIIe siècle, ne suffit pas à infirmer l’identification de ces conquêtes avec les états vassaux de Palembang [79].

— MEVILIMBANGAM et VALAIPPANDORU ne se prêtent pour le moment à aucune identification.

— TALAITTAKKOLAM. Il est à peu près certain que ce pays est identique au Takkola du Milindapañha et au Takôla de Ptolcmée, la première partie du nom n’étant autre que le mot tamoul talai signifiant « tête ». Cette identification facile a d’ailleurs été adoptée par tous les auteurs, depuis M. Kanakasabhai qui fut le premier à la proposer [80]. La question de l’origine du nom, et celle de l’emplacement de cet emporium ont été souvent discutées [81]. C’est sur l’isthme de Kra qu’on le localise le plus volontiers. Gerini le mettait plus au Sud, vers l’actuel Takua Pa [82]. Peut-être faudra-t-il même le chercher plus bas encore, si son identité avec le Ko-kou-lo des Chinois venait à être prouvée [83]. Sa présence parmi les états vassaux de Palembang n’a donc rien de surprenant.

— MA-DAMALINGA.M. M. Kanakasabhai [84] a identifié ce pays à Martaban, dont le nom talaing est Muh-tmatn (Haswell), ou Mal-tma (Schmidt) [85], devenu en siamois Mo:ta:ma:. Au point de vue phonétique, l’équation est évidemment possible. Cependant elle ne s’applique qu’à une partie du mot et laisse de côté le groupe °liṅgam. Aussi est-il légitime de chercher un rapprochement plus satisfaisant.

Si l’on prend une fois de plus la première syllabe comme un équivalent de mahā, le nom à identifier est Damāliṅgam ou Tamāliṅgam. Or, parmi les quinze Etats tributaires du San-fo-ts’i, Tchao Jou-koua cite Tanma-ling : ce pays, suivant le même auteur, est voisin de Ling-ya-sseu-kia (Laṅkasuka) que l’on peut gagner par mer en six jours et aussi par voie de terre ; et il est semblable aux pays de Je-lo-t’ing (Yirudiṅgam, voir plus haut), Ts’ien-mai, Pa-t’a, et Kia-lo-hi (Grahi = Jaiya, voir App. III) [86].

M. Takakusu pensait retrouver dans Tan-ma-ling le nom de Tanah Malayu [87]. Mais M. Pelliot a fait remarquer que ce rapprochement n’est pas très satisfaisant au point de vue phonétique [88]. Schlegel proposait de lire Timbūlan, placé à l’embouchure d’une des rivières de la côte E. de Sumatra [89] : hypothèse insoutenable en face du témoignage de Tchao Jou-koua, d’après lequel on pouvait se rendre par voie de terre de Tan-ma-ling à Lahkasuka. M. Pelliot de son côté, a suggéré Těmběling. affluent de la rivière de Pahang [90]. Depuis, Gerini a mis en avant un autre Těmběling ou Temiling, près de l’embouchure de la rivière de Kwantan [91] : mais M. Blagden a fait observer avec raison que cette localisation s’accorde mal avec le passage de Tchao Jou-koua suivant lequel Tan-ma-ling n’est qu’à six jours de navigation de Laṅkasuka [92].

Une inscription inédite de la Péninsule Malaise va donner le nom exact de ce pays et permettre de le localiser avec une précision suffisante. Cette inscription [93] est gravée sur un piédroit originaire du Vat Huâ Vieng à Jaiya, et conservée actuellement à la Bibliothèque Nationale de Bangkok (Voir à l’appendice II le texte et la traduction de ce document). Elle est en sanskrit incorrect. L’usure des dernières lignes empêche malheureusement de discerner son objet, mais la date kaliyuga 4332 = 1230 A. D. est suffisamment distincte. Enfin le fait qui intéresse spécialement la présente recherche, est que l’acte émane d’un personnage portant le titre de Çrī Dharmarāja et qualifié de « Seigneur de Tāmbraliṅga » (Tāmbraliṅgeçvarah).

Tāmbra est une forme prākritisantede tāmra « cuivre [94] », encore employée en singhalais. Le sens de l’expression Tāmraliṅga n’est pas très clair. En prenant linga dans le sens de « marque, caractère », Tāmraliṅga signifierait « (le pays) qui a pour caractéristique le cuivre», mais je ne crois pas que du cuivre ait jamais été signalé dans le Nord de la Péninsule Malaise. On peut supposer d’autre part que le pays tirait son nom d’un « linga de cuivre » ayant une certaine célébrité. Quoi qu’il en soit, il est à peu près certain que Tāmralinga est le nom d’où sont issues la forme chinoise Tan-ma-ling et la forme tamoule Tamālingam. La transcription Tan-ma-ling pour Tāmraliṅga est analogue aux transcriptions To-mo-li-ti [95], et Tan-mo-li-ti [96] pour Tāmralipli. Quant à la forme tamoule Tamāliṅgam dont Va pourrait susciter quelques objections, il est possible que la vraie lecture soit Tamra° ou Tamāraliṅgam. On sait en effet que dans l’écriture tamoule, surtout dans les inscriptions, le signe servant à marquer l’ ā long est pratiquement indiscernable du signe représentant la semi-voyelle r [97].

Pour localiser Tāmraliṅga, il faut tenir compte des faits suivants : i° l’inscription qui le mentionne est originaire de Jaiya ; 2° cette inscription émane d’un personnage portant le titre de Çrī Dharmarāja, qui semble être le titre traditionnel des rois de Nagor Srī Dharmarāj, et l’origine même du nom de cette localité ; 30 Tan-ma-ling est, selon un texte cité par Schlegel, à dix jours de navigation au Sud du Cambodge [98] ; 40 Tan-ma-ling est, d’après Tchao Jou-koua, à six jours de navigation de Laṅkasuka [99].

Les trois premières données s’accordent bien et concourent à placer Tāmraliṅga sur la côte E. de la Péninsule Malaise, entre la baie de Bandon et Nagor Srï Dharmarāj ; mais la dernière semble en contradiction avec elles. On vient de voir en effet que M. Blagden rejetait la localisation de Tanma-ling à l’embouchure de la rivière de Kwantan parce que six jours sont insuffisants pour faire la traversée entre cet endroit et Kedah Peak. L’objection a deux fois plus de force si le point de départ est Jaiya ou Nagor Srī Dharmarāj. Si le texte de Tchao Jou-koua n’est pas corrompu, et qu’il s’agisse bien d’un voyage par mer et non par terre, la seule façon de résoudre la difficulté est de supposer : ou bien que le pays de Tāmraliṅga occupait la péninsule dans toute sa largeur, et avait vue à la fois sur le Golfe de Siam et sur les Détroits à la hauteur de Panga ou de Trang ; ou bien que c’est Laṅkasuka qui avait vue sur les deux mers. Les deux hypothèses sont également vraisemblables, et sont peut-être vraies toutes les deux à la fois. Il suffit d’étudier sommairement la géographie de toute cette partie de la Péninsule, et de se rappeler avec quelle facilité on y passe d’une mer à l’autre, pour comprendre que l’existence d’Etats s’étendant d’une côte à l’autre est toute naturelle, et s’explique, politiquement, par l’avantage qu’il y avait à tenir sur toute leur longueur les différentes routes de transit [100].

Quelle qu’ait été d’ailleurs l’extension du Tāmraliṅga, il occupait certainement Jaiya et très probablement Nagor Srī Dharmarāj. Mais, va-t-on me dire, ne placez-vous pas aussi à Jaiya cet autre état vassal du San-fo-ts’i que Tchao Jou-koua nomme Kia-lo-hi, et que vous identifiez (voir App. III) avec le pays de Grahi, mentionné dans une inscription gravée sur le socle d’un Buddha originaire de Jaiya ? — Sans doute, mais il faut observer que, aux termes mêmes de cette inscription khmère, Grahi n’était qu’un sruk, c’est-à-dire un petit district administré par un mahāsenapati. Par conséquent, en admettant que ce nom ait bien été appliqué au site ancien de Jaiya, rien n’empêche de supposer que le district ainsi désigné n’ait fait partie de Tāmraliṅga. Mais il se peut aussi que la statue du Buddha trouvée à Jaiya y ait été amenée des environs, et que Grahi = Kia-lo-hi, qui d’après l’Histoire des Song était limitrophe du Tchen-la, se soit trouvé un peu au Nord de la baie de Bandon. L’inscription qui mentionne Tāmraliṅga semble au contraire avoir été trouvée in situ.

— ILAMURIDEÇAM. L’i initial est le même que celui d’Ilaṅgāçogam. Il s’agit évidemment de ce pays situé dans la partie N. de Sumatra, cité par les géographes arabes sous ce même nom de Lāmurī [101], et par Marco Polo sous le nom de Lambri [102]. L’identification va de soi, et a d’ailleurs déjà été faite par M. G. Ferrand [103]. Ce qui est particulièrement important pour la présente recherche, c’est que ce pays figure sous la forms Lan-wou-li, parmi les états tributaires du San-fo-ts’i nommés par le Tchou fan tche [104].

— MĀNAKKAVĀRAM. On a vu plus haut que ce pays a déjà été identifié aux Nicobars, la première syllabe n’étant une fois de plus qu’un équivalent de mahā. La forme Necuveran employée par Marco Polo [105] est encore très proche de Nakkāvāram.


En résumé, des onze pays qui viennent d’être passés en revue, neuf ont pu être identifiés avec plus ou moins de certitude. De ceux-ci,

— un, le Malaiyūr, fut incorporé dès l’époque de Yi-tsing, au royaume de Palembang,

— quatre figurent au nombre des états tributaires du San-fo-ts’i énumérés par Tchao Jou-koua, savoir : -Yirudiṅgam (= Je-lo-t’ing), I-Laṅgāçogam (= Ling-ya-sseu kia), -Damāliṅgam (= Tan-ma-ling), et I-Lāmurideçam (= Lan-wou-li),

— quatre sont situés dans des régions telles que leur vassalité vis-à-vis de royaume de Palembang est vraisemblable ou du moins possible, savoir : Paṅṅai (à Sumatra ?), -Ppappālam et Talait-Takkolam (vers l’isthme du Kra ?), -Nakkavāram (îles Nicobar).

Cette statistique éclaire et corrobore complètement le passage de l’Histoire des Song sur lequel j’ai cru pouvoir fonder l’opinion que c’est le roi de Palembang qui est désigné dans l’épigraphie des Colas par l’expression « roi de Kadāram » ou « roi de Katāha et de Çrīvijaya ».

Il reste maintenant à rechercher le sens et la valeur de ces deux termes.


— KATĀHA, KADĀRAM, KIDĀRAM. À côté de ces trois formes attestées dans l’épigraphie. il existerait encore une forme littéraire, Kālagam, qui se trouve dans un poème tamoul ancien, le Paddinappālai (I, 191). D’après ce texte, des navires de Kālagam apportaient des marchandises à Kavirippūmpaddinam, le grand port situé à l’embouchure de la Kāverī [106] : le commentateur du poème affirme que Kālagam désigne ici le pays connu sous le nom de Kadāram, et les nighantus ou lexiques tamouls donnent, parmi les sens du mot Kālagam celui de « le pays nommé Kadāram » [107]. Mais il est possible que cette identification repose sur un contre-sens. En effet, skr. katāha et tamoul kadāram signifient tous deux « poêle, chaudron de cuivre », mais kadāram a aussi le sens de « couleur brune tirant sur le noir » ; or kālagam a précisément le sens de « noirceur » [108], et c’est peut-être uniquement cette synonymie qui a incité le commentateur du Paddinappālai et les lexicographes à gloser Kālagam par Kadāram. Il ne semble donc pas qu’il faille attacher une grande importance à cette identification, qui d’ailleurs n’avance pas à grand’chose.

En dehors de l’épigraphie, Kadāram est nommé une fois dans le poème tamoul Kaliṅgattuparaṇi [109]. Quant à Katāha, il figure plusieurs fois dans le Kathāsaritsāgara, comme le nom d’un dvīpa voisin de Suvarṇadvīpa qui dans ce poème désigne vraisemblablement Sumatra : le roi de Katāha était beau-frère du roi de Suvarṇadvīpa, ce qui semble indiquer qu’aux yeux de l’auteur du Kathāsaritsāgara, qui écrivait vers les XIe-XIIe siècles, les deux pays avaient d’étroites relations politiques [110]. Le nom de Katāha se rencontre aussi dans le manuscrit népalais à miniatures Cambridge Add. 1643 : les miniatures 26 et 28 qui représentent Avalokiteçvara debout entouré de deux formes de Tārā, de Hayagrīva (ou Mārīcī) et d’un preta, portent comme titre : Kahtāhadvīpe Valavatīparvate Lokanāthah, « Avalokiteçvara sur la montagne Valavatī dans la contrée de Katāha » [111].

Ces citations sont intéressantes en ce qu’elles prouvent que le nom de Katāha était connu et usité dans l’Inde, et que par conséquent le Katāha cité dans la partie sanskrite de la grande charte de Rājarāja I n’est pas simplement une traduction du Kidāram nommé dans le texte tamoul.

Or il est un pays connu des Chinois dont le nom semble phonétiquement correspondre assez bien à Katāha, c’est Kie-tch’a où Yi-tsing fit escale à deux reprises. Pendant son voyage d’aller, venant du Che-li-fo-che et du Mo-lo-yeou pour se rendre dans l’Inde, il s’arrêta une première fois à Kietch’a ; de là. après dix jours de navigation vers le Nord, il gagna l’île des Hommes-Nus, puis après quinze jours de navigation vers le Nord-Ouest, il atteignit Tāmraliptī vers les bouches du Gange. A son retour, en venant de Tāmraliptī, il semble avoir atteint Kie-tch’a directement sans escales ; de là, il lui fallut ensuite un mois de navigation pour arriver au Mo-lo-yeou [112]. Un autre pèlerin, le moine Wou-hing, dont l’itinéraire de Chine à Ceylan est rapporté par Yi-tsing [113], avait aussi touché à Kie-tch’a : de Mo-lo-yeou il avait gagné ce point en quinze jours, et de là, mettant le cap à l’Ouest, il avait atteint en trente jours le port de Negapatam.

Selon M. Pelliot, « la forme théorique qu’on doit songer à restituer pour Kie-tch’a est Kada » [114]. Or cette forme est précisément celle à laquelle doit normalement aboutir skr. katāha dans les parlers indochinois. La chute de la finale aspirée ou sifflante, ou du moins sa dégénérescence en un simple visarga est courante et d’ailleurs naturelle dans des dialectes à tendance monosyllabique [115]. Quant au passage de la linguale sourde à la sonore, il est de règle en position intervocalique dans les prākrits [116]. Et, de fait, skr. katāha « poêle à frire » est devenu en khmèr khdāh (pron. khteah) et en siamois kadah (pron. kathah). Kie-tch’a est donc un équivalent très admissible de Katāha.

À qui objecterait que Kie-tch’a est attesté dès le VIIe siècle, tandis que Katāha n’apparaît pas avant le XIe, on peut répondre que,à côté de Kie-tch’a on trouve en chinois, postérieurement à l’époque de Yi-tsing, d’autres noms géographiques qui semblent bien n’être que des transcriptions un peu différentes du même original. Il y a d’abord le Kie-t’oque. d’après le Sin t’ang chou, les envoyés du P’iao (Birmanie) représentèrent aux Chinois comme étant sous la suzeraineté de leur pays [117]. Plus tard, Tchao Jou-koua nomme le Ki-t’o dont les vaisseaux venaient chaque année avec ceux du San-fo-ts’i et de Kien-pi [118], faire le commerce au Nan-p’i = Malabar [119]. Dans Kie-t’o et Ki-t’o, le caractère to est en fait une dentale [120]. mais on a des exemples de son emploi pour transcrire une linguale [121]. Donc Kie-t’oKada, Ki-t’o = Kida, ce dernier procédant peut-être d’une forme apparentée au Kidāram de la stèle de Rājarāja I. Le passage de la linguale à la liquide étant un phénomène courant, on devait être tenté d’identifier Kie-tch’a, Kie-t’o et Ki-t’o au Kalah ou Kilah [122] des géographes arabes, et au Ko-lo que Kia Tan place sur la côte septentrionale du Détroit de Malacca, et que le Sin fang chou situe au Sud-Est du P’an-p’an. Ces divers noms représenteraient phonétiquement et géographiquement l’actuel Kědah [123].

C’est donc à Kědah que correspondraient Katāha, Kadāram, Kidāram. Mais on a vu plus haut que c’est à l’ancien site de Kědah que se trouvait Lankasuka. Comment Katāha pourrait-il s’y trouver aussi ? — Notons d’abord que le Nāgarakrtāgama, qui cite Kědah parmi les dépendances de Majapahit sur la Péninsule Malaise, cite également Leṅkasuka. Ainsi que l’a justement l’ait observer M. Blagden [124], Gunong Jěrai ou « l’ancien Kědah » est situé fort loin au Sud de Kědah, « et c’est sans doute, ajoute-t-il, la raison pour laquelle les deux localités sont mentionnées séparément ».

On ignore à quelle date eut lieu l’abandon de Laṅkasuka auquel t’ont allusion les Annales de Kědah. Ce changement de résidence n’implique ni que Laṅkasuka ait cessé en même temps d’être appliqué à la région de Gunong Jěrai, ni que le nom de Kědah n’ait pas déjà été employé auparavant pour désigner le lieu qui devait devenir la nouvelle capitale. On conçoit donc fort bien que l’inscription de Rājendracola I nomme concurremment Kědah et Laṅkasuka puisque ces noms répondaient en fait à deux localités différentes.

Même au cas où des recherches ultérieures devraient prouver que Katāha n’est pas Kědah, il n’en reste pas moins que le Kie-tch’a des itinéraires de Yi-tsing était la dernière escale en Malaisie avant la traversée du Golfe de Bengale, et, inversement, le premier point auquel on touchait en revenant de l’Inde [125]. Si cet emporium dépendait du royaume de Palembang, — et cela est extrêmement vraisemblable, puisque la suzeraineté de ce royaume s’étendait sur les deux rives du Détroit de Malacca, — on s’explique aisément que son nom ait été employé par les Colas pour désigner le roi de Palembang. Les hommes ont toujours eu en effet une tendance à désigner un pays étranger par le nom de la peuplade, de la province, de la rivière ou de la montagne qu’ils rencontraient tout d’abord en pénétrant dans le pays : les noms de l’Allemagne, de la Perse, de l’Inde n’ont pas d’autre origine. C’est sans doute par un effet de cette tendance que les Tamouls ont pu dénommer le roi de Palembang d’après le nom du premier port auquel ils touchaient en se rendant dans son royaume. Sans compter que si Kadāram se trouvait réellement là où j’ai cru pouvoir le situer, ce port était au point de vue commercial une escale d’une importance comparable à celle que, dans la même région, le port de Pinang est en train d’acquérir.

— ÇRĪVIJAYA. La question de savoir quel pays fut jadis désigné par le nom de Çrīvijaya est précisément celle qui s’est posée au début de cette enquête. Les notions acquises chemin faisant vont permettre, je crois, de la résoudre.

On sait que, d’après les formes chinoises (Fo-che, Che-li-fo-che, Fo-ts’i, San-fo-ts’i) et arabe (Sribuza), le nom du royaume de Palembang a été restitué en Çrībhoja. Or. on n’aura pas manqué de remarquer que ce nom de Çrībhoja n’est apparu au cours de cette étude dans aucun des documents relatifs au royaume de Palembang où l’on s’attendait justement à le rencontrer. A propos du roi Çrī Cūlāmaṇivarman que j’ai cru pouvoir identifier d’une façon certaine avec le roi du San-fo-ts’i nommé par l’Histoire des Song Sseu-li-tchou-lo-wou-ni-fo-ma-tiao-houa, la charte de Rājarāja I dit seulement qu’il était roi de Katāha et de Çrīvijaya. Le nom de Çrībhoja ne figure pas davantage dans la liste des conquêtes que l’épigraphie de Rājendracola I attribue à ce prince, et où j’ai cru pouvoir reconnaître les pays vassaux de Palembang ; mais le premier nom de la liste est Çrīvijaya. Dans ces conditions, il est permis de se demander si, au lieu de Çrībhoja, le véritable nom du royaume de Palembang ne serait pas précisément Çrīvijaya.

La forme restituée Çrībhoja, proposée pour la première fois par St. Julien [126], n’a jamais satisfait complètement ni les indianistes, parce que ce mot est à peu près dénué de sens, ni les sinologues, parce que l’équivalence phonétique : fo-che, fo-ts’i = bhoja laisse à désirer [127]. Schlegel avait émis de sérieuses objections à l’emploi du caractère fo pour représenter une syllabe commençant par bh [128]. M. Pelliot semble disposé à passer outre à ces objections, mais il ajoute que « la seule difficulté de la restitution Çrībhoja est que la dernière syllabe, qu’elle soit transcrite che ou che [129] devrait être à voyelle i ou e plutôt qu’à voyelle a » [130].

L’équivalence fo-che, fo-ts’i = vijaya est-elle plus vraisemblable ? En ce qui concerne la seconde syllabe, certainement oui. M. Pelliot avait déjà signalé que Yi-tsing (chez qui apparaît pour la première fois le nom de Fo-che) emploie che pour transcrire la première syllabe de Jeta [131]. Depuis la publication du catalogue des Yaksas de la Mahāmāyūrī par M. S. Lévi [132], on sait que le même caractère est employé par Yi-tsing pour transcrire ji (Ojjihanā = Ou-che-ho-na, v. 54), jai (jaya = che-ye, v. 56, 62), et jaya (Ujjayanī = Ou-che-ni, v. 16) Quant au caractère ts’i, dont j’ignore la prononciation ancienne, je constate que Groeneveldt le restituait en tsai [133]. On est donc de toute façon ramené à une prononciation jai ou jay qui répond infiniment mieux à jaya qu’à fa. L’équivalence fo = vi est à première vue beaucoup moins satisfaisante. Je crois cependant qu’elle est possible. On sait que le caractère fo, régulièrement employé pour transcrire le nom du Buddha, avait une prononciation *pw’<sup>i</sup> δ [134]. Or le passage de vi, ou plus exactement de bi [135] à bu par labialisation est un phénomène phonétique possible, qui n’est d’ailleurs pas sans exemple [136], et qui suffit à justifier l’emploi de fo. En définitive, fo-che, fo-ts’i peuvent représenter une forme bujai, corruption parlée de vijaya.

On ne saurait donc invoquer l’argument linguistique contre l’identification de Çrīvijaya à Che-li-fo-che et San-fo-ts’i [137]. Mais on aimerait avoir en sa faveur autre chose, et mieux, qu’une preuve négative. Cette preuve positive. l’épigraphie chame va la fournir.

À la fin du Xe siècle et dans le courant du XIe, les textes chinois et annamites mentionnent, comme capitale du Champa, la ville de Fo-che [138]. Ainsi que l’a déjà remarqué M. Pelliot, ce nom orthographié par les Annamites et par le Song che, est identique à celui de pays de Fo-che ou Che-li-fo-che à Sumatra [139]. Or, on sait d’une façon certaine par l’épigraphie, qu’à cette époque la capitale chame était au Binh-đinh et s’appelait Vijaya [140].

Ce nouvel exemple de Fo-che correspondant à Vijaya semble concluant. On peut noter enfin que le nom de Çrīvijaya appliqué au royaume de Palembang rend parfaitement compte de la forme Kin-li-p’i-che où M. Pelliot proposait de retrouver une altération de Che-li-fo-che [141]. Si cette hypothèse de M. Pelliot est exacte, le nom Kin-li-p’i-che, qui apparaît dans des notices probablement antérieures à Yi-tsing, et dans lequel kin est sans doute à remplacer par che, représente très exactement Çrībijaya = Çrīvijaya.

* * *

L’identification de Çrīvijaya permet de répondre à la question qui s’est posée au début de cette étude. On sait maintenant à quel royaume attribuer l’inscription malaise de Bangka et la stèle sanskrite de Vieng Sa : c’est au royaume de Palembang.

Mais l’enquête provoquée par ces deux documents épigraphiques a d’autres résultats d’une portée plus grande et d’un intérêt plus général. Elle révèle d’abord le véritable nom du royaume de Palembang qu’on avait essayé de restituer au moyen des noms que lui donnent les textes chinois et arabes, seules sources, pensait-on, où il fut mentionné. Elle permet ainsi de localiser les pays de Çrīvijaya et de Katāha cités dans divers ouvrages sanskrits [142] et dans l’épigraphie des Čolas : l’identification des conquêtes de Rājendracoja I fixe même un point assez important et jusqu’à présent mal éclairci dans l’histoire des relations entre l’Inde et la Malaisie.

Mais surtout, cette enquête met en pleine lumière le rôle joué en Extrême-Orient par ce royaume malais indouisé dont l’influence rayonnait, de Sumatra, sur les deux côtes de la Péninsule. S’il n’a laissé qu’un nombre insignifiant de monuments archéologiques et épigraphiques, c’est apparemment que ses rois étaient plus occupés à surveiller le commerce des Détroits qu’à construire des temples ou à faire graver leurs panégyriques sur la pierre [143]. A ce point de vue le voisinage de Java, toute couverte de vestiges archéologiques, lui a certainement fait du tort aux yeux de l’Histoire. Mais l’inscription de Grahi émanant d’un personnage qui pourrait bien être un des rois de Palembang, et présentant, comme celle de Tāmraliṅga, les plus grandes analogies paléographiques avec les inscriptions de Sumatra et de Java, tendait déjà à prouver que Tchao Jou-koua n’exagérait pas en montrant le San-fo-ts’i suzerain de quinze Etats dont le plus grand nombre se trouvait sur la Péninsule Malaise. L’épigraphie de Rājendracoja I. dont les listes coïncident en partie avec celle de Tchao Jou-koua, vient confirmer cette impression. Enfin, la stèle de Vieng Sa montre que, dès la fin du VIIIe siècle, le roi de Çrīvijaya jouissait d’une assez grande autorité dans le Nord de la Péninsule pour pouvoir y faire des fondations pieuses et y faire buriner une inscription à son nom [144].

Ces preuves tangibles de l’extension considérable du royaume de Palembang fortifient singulièrement l’hypothèse émise par M. Chavannes et par Gerini [145], suivant laquelle ce royaume ne serait autre que le célèbre Zābaj (Jāwaga) des géographes arabes [146]. Elles ont dans tous les cas une grande importance pour l’histoire des établissements malais dans la Péninsule. Pendant longtemps on a cru que cette histoire ne commençait qu’avec la fondation de Singapore placée par Marsden, Crawfurd, etc., en 1160 [147]. En 1901, Schlegel se refusait à admettre que le San-fo-ts’i eût pu avoir des dépendances en dehors de Sumatra [148], thèse combattue par M. Pelliot [149]. Gerini admettait bien des incursions malaises sur la Péninsule dès le VIIIe siècle, et, y plaçant le Malāyu de Yi-tsing, il était bien obligé d’en conclure que la domination de Palembang avait, dès la fin du VIIe siècle, pris pied sur le continent, mais c’est au Cambodge qu’il accordait la prépondérance politique dans cette région [150]. En 1908, M. Wilkinson exprimait l’opinion que la colonisation malaise de la Péninsule ne remonte pas au-delà de 1400 A. D. [151] M. Blagden, qui n’eut pas de peine à montrer l’impossibilité d’une date aussi tardive, semble avoir eu le pressentiment que l’histoire des Malais dans la Péninsule a peut-être commencé plus tôt qu’on ne le croit généralement [152].

Si les documents sont encore trop peu nombreux et trop peu explicites pour qu’il soit permis de parler d’une colonisation effective de la Péninsule par les rois de Palembang, il semble cependant résulter de cette enquête que ceux-ci y eurent de bonne heure des établissements côtiers, et que dans tous les cas leur influence politique y fut très ancienne. Si j’ai dū laisser sans les résoudre bien des questions douteuses, c’est là du moins un fait que je crois pouvoir considérer comme acquis.


Note additionnelle

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Dans le dernier numéro des Bijdragen, (Deel LXXIV, afl. 1 et 2, 1918) que je n’ai reçu qu’après l’impression du présent mémoire, M. J. Ph. Vogel, au cours d’un très intéressant article intitulé « The Yūpa inscriptions of King Mūlavarman », fait la remarque suivante, à propos des relations entre l’Inde méridionale et l’Extrême-Orient (p. 192) : « It is certainly astonishing that in the inscriptions of the Pallavas and other Southern dynasties no reference whatever is made to the relations which in those days must have existed between Coromandel and the Far East. The explanation probably is that those relations, of which the accounts of the Chinese pilgrims hāve left us such a valuable record were of a perfectlv peaceful nature. Supposed the powerful Pallava princes of Kañcipura had equipped armadas and carried their arms to the remote shores of Campa and Java, may we not assume that their conquests on the far side of the ocean would have been extolled in their praçastis with no less effusion than we find lavished on their victories over the Cālukyas ? »

L’étonnement de M. J. Ph. Vogel était certainement justifie, et j’espère que les pages qui précèdent y mettront fin. Nous avons maintenant un témoignage tiré de l’épigraphie indienne qui nous prouve que les relations entre les Cojas et l’Insulinde ne furent pas toujours pacifiques.

Dans le même numéro des Bijdragen, M. G. P. Rouffaer (Oudheidkundige Opmerkingen) cite incidemment l’inscription de Bangka. Il donne (p. 141) de sérieuses raisons pour identifier bhūmi Jāva (l. 10) avec l’île de Java. Et dans une note au travail de M. G. P. Rouffaer, M. N. J. Krom (p. 147 n. 1) en tire la conclusion que l’auteur de l’inscription de Bangka pourrait bien être ce personnage qui est simplement désigné par l’épithète d’ « ennemi » dans l’inscription de Tjanggal (Zuid-Kedoe, Java) datée 654 çaka = 732 A. D. Si mes conclusions sont exactes, cet ennemi des Javanais ne serait pas seulement, comme le suppose M. N. J. Krom, un roitelet de Bangka, mais bien le souverain de l’Etat malais de Palembang.

APPENDICE

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I. INSCRIPTION DE VIENG SA. (TRADUCTION)

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INSCRIPTION DE VIENG SA
INSCRIPTION DE VIENG SA
A

Rendue impérissable par la prudence, la modestie, la science, l’équanimité, la patience, le courage, la libéralité, la majesté, l’intelligence, la pitié et autres qualités, sa gloire en se répandant, éclipse complètement les épanchements de gloire des rois, de même que l’éclat de la lune d’automne (éclipse) les rayons des étoiles.

STÈLE DE VIENG SA (FACE A)
STÈLE DE VIENG SA (FACE A)
STÈLE DE VIENG SA (FACE A).

Ce (roi), qui est le réceptacle des vertus, est par surcroît (le support) en ce monde des hommes riches en vertus brillantes comme les sommets de l’Himalaya, et hautement renommés ; de même que le grand Océan destructeur du mal, (qui est le réceptacle) d’une multitude de joyaux, est par surcroît (le réceptacle) des Nāgas qui ont le chaperon entouré de rayons de joyaux.

Ceux qui avaient le cœur rongé par la traînée de flammes du feu de la pauvreté, étant venus le trouver, se mettaient en sa puissance extrême ; de même que, lorsque le soleil est brūlant, les éléphants ont coutume de se réfugier dans l’étang dont les eaux pures sont tombées…… et que dore le pollen des lotus.

S’approchant de toutes parts de ce roi plein de vertus et semblable à Manu Par……., les gens vertueux en reçurent une fortune (çrī) extrême, de même que, (à l’approche) du printemps, les rois des arbres, à commencer par le manguier et le kesara [153], (reçoivent une beauté [çrī] extrême).

Victorieux est le roi de Çrīvijaya, dont la Çrī a son siège échauffé par les rayons émanés des rois voisins, et qui a été diligemment créé par Brahmā comme si ce Dieu n’avait eu en vue que la durée du Dharma renommé.

Le roi seigneur de Çrīvijaya [154], seul roi suprême de tous les rois de la terre entière, a élevé ces trois beaux édifices de briques, séjour de Kajakara (= Padmapāni), du Destructeur de Māra (= le Buddha), et de Vajrin (= Vajrapāni). Ce séjour divin, constitué par un groupe de trois caityas, (comparable à un) précieux diamant au milieu de cette montagne que sont les souillures de l’univers [155], et procurant aux trois mondes une remarquable splendeur, a été donné au meilleur de tous les Jinas qui résident aux dix points de l’espace.

Ensuite, le chapelain royal nommé Jayanta ayant reçu du roi cet ordre excellent : « Fais trois stūpas » [156], il les fit.

Quand ce (Jayanta) fut mort, son disciple le sthavira Adhimukti fit deux caityas de briques près des trois caityas (élevés par le roi).

(L’année) çākarāja (désignée) par les (six) saveurs, le nombre neuf, et les (sept) munis étant révolue (697 c. = 775 A. D.), le onzième jour de la quinzaine claire du mois de Mādhava, le Soleil se levant en compagnie de Vénus dans le Cancer [157], le roi de Çrīvijaya semblable au roi des Devas, supérieur aux autres rois, ayant l’aspect du cintāmani, attentif aux trois mondes, a élevé ici…… stūpa…

INSCRIPTION DE VIENG SA
INSCRIPTION DE VIENG SA


B

Ce roi suprême des rois, le seul qui par son éclat soit comparable au soleil (dissipant) cette nuit qu’est la troupe de tous ses ennemis, ressemblant par sa beauté charmante à la lune d’automne sans tache, ayant l’aspect de Kāma incarné, ayant l’aspect de Visnu…… [158] chef de la Famille du Roi des monts, nommé Çrī Mahārāja.


II. INSCRIPTION DE JAIYA. (TRADUCTION)

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INSCRIPTION DE JAIYA
INSCRIPTION DE JAIYA

[159] Fortune !

Il fut un roi Çrī Dharmarāja. Seigneur de Tāmbralinga, procurant une félicité extrême à la religion du Buddha,... ayant pour origine cette lampe qu’est la famille de ceux qui engendrent la Famille du Lotus, semblable par sa forme à l’Amour, ayant l’éclat de la lune, apte à la politique comme Dharmāsoka, chef de la famille des cinq……

Fortune ! Bonheur ! Il fut un roi support de la Famille du Lotus, Seigneur de Tāmbralinga, au bras puissant….. par la puissance de ses bonnes œuvres à l’égard de tous les hommes, (possédant ?) en quelque sorte la puissance du soleil et de la lune….. éclat de la lune réceptacle de sa gloire célébrée dans le monde, le roi Çrī Dharmarāja. En kaliyuga 4332 (1230 A. D.).....


STELE DE VIENG SA (FACE B) ; INSCRIPTION DU BLDDHA ET DU PIEDROIT DE JAIYA.
STELE DE VIENG SA (FACE B) ; INSCRIPTION DU BLDDHA ET DU PIEDROIT DE JAIYA.
STÈLE DE VIENG SA (FACE B) ; INSCRIPTION DU BLDDHA ET DU PIEDROIT DE JAIYA.


III. LE PAYS DE GRAHI.

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Les Annales des Song [160] mentionnent, parmi les états limitrophes du Tchen-la, le pays de Kia-lo-hi : « Le Tchen-la touche aux frontières méridionales du Tchen-tching. Il a la mer à l’Est, le Pou-kan à l’Ouest, et le Kia-lo-hi au midi. » En dehors de sa situation géographique, tout ce que l’on sait de ce pays, c’est qu’à l’époque de Tchao Jou-koua (1225 A.D.) [161], il était tributaire du royaume de San-fo-ts’i.

Ces maigres renseignements sont insuffisants pour localiser le Kia-lo-hi. Schlegel le plaçait dans les environs du cap Cambodge [162]. Gerini, après avoir constaté que ce nom est « très embarrassant » [163], énumère, selon sa méthode ordinaire, les noms d’une quinzaine de localités situées dans la Péninsule Malaise, à Sumatra, et même à Bornéo, ayant une ressemblance plus ou moins directe avec le nom de Kia-lo-hi ; mais il se garde de conclure. Ni D’Hervey de Saint-Denys, ni M. Pelliot n’ont proposé d’identification.

L’épigraphie va nous permettre de déterminer avec certitude le nom indigène et la position géographique de ce pays de Kia-lo-hi. Il s’agit d’une inscription gravée sur le piédestal d’une grande statue de Buddha en samrit doré, provenant, d’après le Prince Damrong, d’une des pagodes de Jaiya, le Vat Huà Vieng [164], et conservée actuellement à Bangkok, dans une petite sala construite devant la façade orien’tale du Vat Pencamapabitr. Le Buddha est représenté assis sur les replis du nāga, et faisant d’une façon un peu inattendue la bhūmīsparçamudrā. Cette statue rappelle évidemment les productions de l’art khmèr, notamment la façon dont est traité le chaperon du nāga et les motifs décoratifs qui ornent le corps de ce dernier. Mais la gracilité du corps du Buddha, l’étroitesse de son visage et la finesse de ses traits, trahissent immédiatement l’origine méridionale de cette image.

L’inscription de cinq lignes gravées sur le socle est en pur cambodgien, analogue comme langue et comme orthographe aux anciennes inscriptions khmères. Par contre, l’écriture en est très différente et rappelle de fort près celle des inscriptions kawi de Java. Les lettres présentant avec l’écriture cambodgienne ancienne les différences les plus remarquables sont les suivantes :

ka, le trait médian se recourbe en haut vers la gauche ;

ta, le trait de droite tend à se détacher du caractère et à le dépasser vers le haut ;

ba, affecte la forme d’un cœur, assez analogue à celle du po cambodgien moderne ;

ya, le trait de gauche se recourbe vers la gauche, c’est-à-dire vers l’extérieur ;

sa, anguleux, a un aspect très archaïque ;

le virāma affecte la forme d’un trait courbe enveloppant le caractère du côté droit ;

le signe vocalique ai est formé par la superposition de deux signes e ressemblant ainsi au signe du visarga [165].

Presque toutes ces particularités se retrouvent dans l’inscription sanskrite de Jaiya publiée à l’Appendice II, ainsi qu’il ressort clairement du tableau ci-dessus.

Ainsi, les caractères paléographiques de l’inscription ne permettent pas de douter que cette statue ne soit bien originaire de Jaiya ou des environs.

Voici le texte de cette inscription.

(TRADUCTION)

En….. [166] çaka, année du Lièvre, par ordre [167] de Kamraten An Maharaja çrīmat Trailokyarājamaulibhūsanavarmadeva, le 3e jour de la lune croissante de Jyestha, mercredi, le Mahāsenāpati Galānai (?) qui gouverne le pays de Grahi, invita le Mraten çrī Nāno à faire cette statue. Le poids du samrit est 1 bhāra 2 tula et la valeur de l’or (employé pour la dorure) est 10 tamlin. Cette image a été érigée afin que tous les fidèles s’en réjouissent, la vénèrent et l’adorent ici….. obtiennent l’omniscience…..


Cette courte inscription est fort instructive.

En premier lieu, elle nous permet d’identifier le pays de Kia-lo-hi. Il n’est pas douteux, en effet, que ce pays ne soit identique au sruk Grahi mentionné dans l’inscription. Kia-lo-hi est une transcription absolument régulière de Grahi. De plus, Grahi. correspondant à la région de Jaiya, se trouve bien être, comme le Kia-lo-hi, au Sud et dans le voisinage immédiat du Cambodge, lequel, pendant une bonne partie de l’époque des Song, comprenait certainement le bassin de la Basse-Ménam. L’identification peut donc être considérée comme acquise.

En second lieu, cette inscription nous montre que le pays de Grahi, bien qu’étant de civilisation ou tout au moins de langue cambodgienne, ne relevait pas, au point de vue politique, du royaume khmèr. Le nom du roi Maharaja çrīmat Trailokyarājamaulibhūsanavarmadeva est inconnu des listes dynastiques du Cambodge. Je crois que le plus simple est de s’en tenir pour le moment au témoignage de Tchao Jou-koua, et d’admettre qu’il s’agit ici d’un roi de Palembang. Cette hypothèse saurait d’autant moins être écartée que le titre de maharaja qui figure dans l’inscription fut porté pendant une longue période de temps par les souverains de Palembang [168], et que les caractères paléographiques rapprochent nettement ce document de ceux qui ont été découverts aux Indes Néerlandaises.

Il est à souhaiter que le nom de Trailokyamaulibhūṣaṇavarmadeva se retrouve dans quelque document chinois, ce qui permettrait notamment de déterminer la date de l’inscription. Cette date pose en effet un problème assez intéressant.

On a vu qu’elle se compose d’un millésime douteux et de la mention de l’année thoh « du Lièvre ». Un fait semble certain, c’est que l’inscription ne saurait guère être postérieure au milieu du XIIIe siècle. On sait en effet que d’après l’inscription de Rāma Khamhëng, la région de Ligor reconnaissait à la fin du XIIIesiècle la suzeraineté du roi deSukhodaya. Mais la conquête, parles Thaïs, de la partie septentrionale de la Péninsule Malaise doit remonter plus haut, puisqu’en 1295, d’après le Yuan Che [169] « les gens du Sien (c’est-à-dire les Thaïs de Sukhodaya) s’entretuaient depuis longtemps avec les Ma-li-yu-eul (c’est-à-dire les gens du Malayur : Sumatra ou le Sud de la Péninsule) ». Dans ces conditions, il est hautement improbable qu’après le milieu du XIIIe siècle une inscription ait pu être gravée à Jaiya au nom d’un souverain qui, s’il n’était pas le roi de Palembang, n’était certainement pas un prince thaï.

Mais si cette inscription est antérieure au milieu du XIIIe siècle, elle remet en question l’histoire du cycle duodénaire et des noms des animaux cycliques au Cambodge et au Siam. C’est l’inscription de Rāma Khamhëng qui nous a fourni jusqu’à présent le plus ancien exemple de l’emploi du cycle duodénaire [170] et des noms actuellement en usage. Or à la même époque, les Cambodgiens. selon Tcheou Ta-kouan (1296). désignaient les animaux cycliques par des noms empruntés à leur propre langue. On voit l’intérêt qu’il y aurait à pouvoir dater exactement l’inscription du Buddha de Jaiya. Si elle remonte au XIIe siècle, elle recule d’un siècle le premier témoignage de l’emploi du cycle, et contredit absolument les dires de Tcheou Ta-kouan.


STATUE DE BUDDHA ORIGINAIRE DE JAIYA.
STATUE DE BUDDHA ORIGINAIRE DE JAIYA.
STATUE DE BUDDHA ORIGINAIRE DE JAIYA.
  1. Tous les caractères particuliers des transcriptions et les idéogrammes chinois n'ont pu être reproduits ici. Se reporter au texte original. (Note Wikisource)
  2. Cf. aussi : BLAGDEN, The Kota Kapur inscription, J. Straits Br. RAS., 1913 (64), p. 69, et (65) p. 37.
  3. Le chiffre 6 est incertain (cf. p. 400), mais l’écriture est très archaïque.
  4. Par exemple l’inscription thaïe de Rama Khamhëng qui débute par un passage en style direct à la première personne, mais qui à partir de la l. 18 passe sans transition à la troisième. Ce changement de personne choque d’ailleurs les Siamois eux-mêmes, et certains veulent y voir la preuve que l’inscription de Rama Khamhëng n’est pas une composition venue d’un seul jet, mais un assemblage de morceaux d’origines diverses.
  5. Et non pas Viengsakadi, comme il est écrit dans BCAI., 1910, p. 149 (n° 15) et 152.
  6. La forme Jayavarmeçvara existe bien, mais īçvara n’y a pas le sens de « roi », Jayavarmeçvara désignant une idole de Çiva, sous les traits du roi Jayavarman ou simplement consacrée par lui. Cf. ISCC, p 71, Çrī-Vijayeçvara désignant une statue de Çiva.
  7. M. Petithuguenin me fait remarquer que l’expression Sayāmindra est un des titres les plus fréquents du roi de Siam, notamment celui qui figure sur les monnaies.
  8. Cf. par exemple une inscription datée 775 çaka dans Oud-javaansche Oorkonden (VI), Verhand. Bat. Gen., LX, pl. 2.
  9. G. FERRAND, Textes arabes, p. 29 etc.
  10. GROENEVELDT, Notes on the Malay Archipelago, Verhand. Bat. Gen., XXXIX, p. 67 et suiv. — Cette expression « royaume de Palembang » qui reviendra souvent au cours de la présente étude est une désignation commode, mais je ne prétends pas en l’employant affirmer que la capitale de cet état fut toujours à Palembang.
  11. A. FOUCHER, Iconographie bouddhique, p. 193. 205.
  12. C’est la charte appelée « grande charte de Leyde ». — Cf. Arch. Surv. S. India, IV, p. 206 ; VENKAYYA, Report. 1898-99, p. 17 ; Arch. Surv. India, ann. rep. 1911-12, p. 175 ; KIELHORN, List, n° 712.
  13. PW., s. v. vijaya I)k, glose : visaya « Provinz, Dictrict». Dans l’épigraphie chame vijaya désigne certaines subdivisions administratives (BEFEO., IV, p. 915). Çrīviṣaya et Çrīvijaya sont donc synonymes et signifient « le district de la fortune, le pays fortuné ».
  14. Un des successeurs de Rājendracola I, son fils (?) Vïrarājendra I prétend aussi, en 1068, avoir conquis Kadāram et l’avoir ensuite rendu à son roi (HULTZSCH, SII., III, pp. 192, 195, 202).
  15. HULTZSCH, SII., II, p. 106, avec corrections dans El., IX, p. 230 ; KIELHORN, List n° 734 ; KANAKASABHAI, Madras Review, aoūt 1902, et Tamilian Antiquary, 1911, n° 8 ; FERRAND, Textes arabes, p. 645 (au lieu de 1050, lire 1030).
  16. Telle est l’interprétation de M. HULTZSCH, que je respecte, n’étant pas tamoulisant. Mais on peut se demander si cette énumération ne serait pas plutôt une série d’épithètes se rapportant à Çrīvijayam.
  17. Ou Çrīvisayam, l’alphabet tamoul ne possédant qu’un signe unique pour représenter les occlusives palatales et les sifflantes. Mais on vient de voir que ces deux formes sont interchangeables. M. HULTZSCH avait d’abord traduit (SII., II, p. 109) : « Vijayam of great fame », mais il revint ensuite sur cette première interprétation, pour proposer celle qui est reproduite ci-dessus (El., IX, p. 230 ; cf. note in KIELHORN, List, p. 120, n. 6). Il s’agit évidemment du même pays que dans la charte de Rājarāja I.
  18. SII., II, p. 106 : « The remaining names of localities inust probably be looked for in the same neighbourhood (as Kadāram), as the inscription seems to imply that they were ail taken from the king of Kadāram, together with Kadāram itself, which is the last item in the list ».
  19. « The exact locality (of Kadāram) would dépend on the identification of the other places in Kadāram conquered by the Chola king » (Rep. Arch. Surv. Burma, 1909-10, p. 14).
  20. Par M. G. FERRAND, par exemple, qui après avoir déclaré que le rapprochement entre Kadāram et (Siri)kheltarā (Prome) est « tout à fait heureux », place Malaiyūr à Gudimallur près d’Arcot, et Pappālam sur la côte N.-E. de l’Inde (Textes arabes, II p. 646 n. 8 et p. 647 n. 2).
  21. « Kidāram is now the head-quarter of a tālluqa of the Râmnâd Zamîndârî in the Madura district » (SII., II, p. 106).
  22. Ann. Rep., 1898-99, p. 17. L’identification de Nakkavāram aux Nicobars figurait déjà dans Hobson-Jobson.
  23. SII., III, pp. 194-5.
  24. The conquest of Bengal and Burma by the Tamils, Madras Review, 1902, p. 251.
  25. Early history oj India, p. 466.
  26. List, p. 1 17 n. 4.
  27. Rep. Arch. Surv. Burma, 1906-7, p. 19.
  28. Arch. Surv. India, ann. rep., 1907-8, p. 233 n. 3.
  29. Rep. Arch. Surv. Burma, 1909-10, p. 14.
  30. Ibid., 1916-17, p. 25 : « M. Blagden thinks that... if Kadaram be Pegu, it could not have been conquered by the Cholas in 1069 A. D. (cette date est sans doute !e résultat d’une faute d’impression) when Burmese power was so strong, and asks whether any of the Burmese and Mon kings known to history hāve had nanus ending in varman... ».
  31. SCHLEGEL, Geographical notes, T’oung Pao, 1901. p. 168 ; GERINI, Researches on Plolemy’s geography, p. 623 ; G. FERRAND, Ye-liao,Sseu-tiao et Java, JA., 1916 (2), p. 528.
  32. SCHLEGEL, loc. cit., avait restitué le nom, à peu près correctement, en Sri Chūda Munivarmadêva. GERINI. je ne sais pourquoi, n’adopta pas la lecture varma, et transcrivit Çrī Cūdāmanibhūmyadeva ou °bhūpadeva, qui n’a pas de sens (loc. cit.). Récemment, M. G. FERRAND a discuté !a forme chinoise, et a trouvé à sa restitution en sanskrit des difficultés que je ne comprends pas : « Les deux premiers caractères du nom royal Sseu-li-tchou-lo-wou-ni-fo-ma-liao-houa = çrī, les deux suivants ne se laissent pas restituer (tchou-lo=jura ou un phonème voisin)… Wou-ni est certainement kawi wuni qui figure dans le nom royal de Wisnuwardhana, appelé aussi Ranga wuni... Les quatre derniers caractères ne font pas difficulté : fo-ma = kawi warman, skr.varman ; tiao-houa = kawi deva, skr. deva » (JA., 1916[2], p 529 note). — Je ne vois pas ce qui empêche de restituer tchou-lo en cūlā. Quant à wou, on sait que la prononciation ancienne de ce caractère est *m<sup>w</sup>u (aux VIe-VIIe siècles, cf. PELLIOT, Les noms propres du Milindapaña,,IA., 1914 [2], p. 394). La nasale initiale qui s’est conservée en cantonais explique pourquoi ce caractère est souvent employé pour transcrire mo ou ma : nan-wou = skr. Namo (T’oung-Pao, 1900, p. 231) ; wou-li-pa = malabar (Tchao Jou-koua, trad. HIRTH-ROCKHILL, p. 223) ; wou-che = persan māzū (Ibid. p. 215). La restitution cūlāmani ne fait donc aucune difficulté.
  33. L’habitude chinoise d’abréger les noms étrangers, surtout quand ils sont très longs, est trop connue pour qu’il vaille la peine d’y insister.
  34. GROENEVELDT, loc. cit., p. 65.
  35. La plus ancienne mention du nom de l’île de Sumatra, JA., 1917 (I), p. 331.
  36. HULTZSCH, SII., I, pp. 98, 100.
  37. D’HERVEY DE SAINT-DENYS, Méridionaux, p. 586.
  38. Researches, p. 513.
  39. Les données de l’inscription tamoule : « l’ ancien Malaiyūr avec un fort situé sur une haute colline » n’éclairent pas beaucoup la discussion. Ces courtes descriptions qui accompagnent chaque nom de la liste reposent presque toutes sur des jeux de mots ou des étymologies fantaisistes. C’est le cas ici, où la « colline» (tamoul malai) n’apparaît sans doute que pour expliquer Malaiyūr. L’épithète « ancien » est plus suggestive : on pourrait la considérer comme un argument en faveur de la théorie d’après laquelle il y aurait eu deux pays ayant successivement porté le nom de Malāyu, et il s’agirait ici de l’ ancien par opposition au nouveau.
  40. PELLIOT, loc. cit. pp. 338, 348.
  41. G. FERRAND, Tcxtes arabes, pp. 343, 383, 396.
  42. PELLIOT, loc. cit., pp. 242, 328.
  43. Ed. YULE-CORDIER, II. p. 280 (Cf. p. 283 une hypothèse de LOGAN sur cet r).
  44. SII., III, p. 195 n. 1.
  45. Trad HIRTH-ROCKHILL, p. 62.
  46. T’oung Pao, 1901, p. 134.
  47. Researches, p. 627.
  48. Ibid., p. 826.
  49. Voici la liste des 15 pays dépendant du San-fo-ts’i (trad. HlRTH-RoCKHILL, p. 62) : P’eng-fong, Teng-ya-nong,Ling-ya-sseu-kia,Ki-lan-tan, Fo-lo-an,Je-lo-t’ing, Ts’ien-mai, Pa-t’a, Tan-ma-ling, Kia-lo-hi, Pa-lin-fong, Sin-t’o, Kien-pi, Lan-wou-li, Si-lan.
  50. Ibid., p. 67.
  51. Ibid, p. 68.
  52. Ibid., p. 69.
  53. Cf. PELLIOT, Deux itinéraires, BEFEO., IV, p. 334-335.
  54. Cf. la carte jointe à l’article de M. RIDLEY, An account of a botanical expedition to lower Siam, J. Straits Br. RAS., n°59.
  55. Voir Appendice III : Le pays de Grahi.
  56. A ces deux identifications basées sur des documents épigraphiques et offrant par conséquent de sérieuses garanties d’exactitude, on peut ajouter les hypothèses de GERINI qui proposait d’identifier Pa-t’a au Bāta de TAVKRNIER et au Pate de TEIXEIRA lesquels correspondraient soit à Patanor = Bandon, soit à Bardia dans la baie de Jumbor (Researches, p. 543 n. 1, et p. 822).
  57. RIDLEY, loc. cit.
  58. L’inscription de Grahi est en effet en cambodgien.
  59. Textes arabes, p. 647 n. 1.
  60. MOUSSET et DUPUY, Dict. tamoul-français, I, p. 149
  61. The Nāgarakrtāgama list of countries..., JBAS., 1905. p. 495 et suiv.
  62. A translation of the Keddah Annals, J. Ind. Arch., III, p. 9 (réimprimé par la Bibliothèque Nationale Vajiranāna. Bangkok, 1908).
  63. Hikayat Marong Maha Wangsa or Kedah Annals, edited by A. J. STURROCK, J. Straits Br. RAS., n° 72 (1916), p. 37.
  64. Texte, p. 45-46. — Trad., p. 9.
  65. Texte, p. 59. — Trad., pp. 168-169.
  66. Texte, p. 64 — Trad. p. 253.
  67. « Langkasuka still lives in the memory of the local Malays. It has developed into a myth, being evidently the « spirit-land » referred to as Lakon Suka by the peasantry of the Patani States, and the realm of Alang-ka-suka interpreted by a curious folk-etymology as the « country of what you will », a sort of fairy land where the Kedah Malays locates the fairy princess Sadong... » (Siam and the Malay peninsula, JRAS., 1906, p. 119).
  68. BEFEO., IV, pp. 406-408.
  69. JRAS., 1905, pp. 495-496.
  70. Ibid., p. 499
  71. Lt-Col. Low, On an inscription from Keddah, JASB.. XVIII (1849), 11, p. 247.
  72. Over eenige oude sanskritopschriften.., Versl. Med. kon. Akad. Wetensch., Afd. Letterkunde, 3e reeks, deel I, 1883.
  73. Ann. rep., 1898-99, p. 17 ; Rep. Arch. S,urv. Burma, 1909-10, p. 14.
  74. SII., III, p. 195. (n° 1 : Above, vol. II, p. 109. the great Papphālam must be read instead of Māppappālam).
  75. Date approximative assignée par M. FINOT à la stèle de Mergui (BCAI., 1910, p. 153).
  76. PHAYRE, Hist. of Burma, p. 50. — Mhv., LXXVI. 38, appelle le roi de Rāmañña « roi d’Arimaddana ».
  77. BCAI., 1909, p 237 ; 1910, p. 153.
  78. Elle se serait même étendue encore plus au Sud, d’après GERINI qui propose de placer dans la Péninsule Malaise le Malayadesa où, selon le Mahāvamsa (Ibid.), le roi de Rāmañña fit emprisonner les messagers envoyés de Ceylan au Cambodge (Researches, p. 535).
  79. M. G. FERRAND (Textes arabes, p. 647 n. 2) identifie Papphāla au Fawfal de Ibn Said (Ibid., p. 348-349), sur la côte Nord-orientale de l’Inde. J’ai montré plus haut que la présence, parmi les conquêtes de Rajendracola, d’un port indien était impossible a priori. Mais le Fawfal de Ibn Said était-il réellement sur la côte Nord-orientale de l’Inde ?
  80. KANAKASABHAI, Madras Review, 1902. p. 251. — V. A. SMITH, Early history of India, p. 466. — TAW SEIN KO, Hep. Arch. Surv. Burma, 1909-10 p. 14 ; 1916-17, p. 25. — BLAGDEN, Ibid., 1916-17, p 25. — FERRAND, Textes arabes, p. 647 n. 5.
  81. Voir références s. v. Takôla à l’index géographique de mes Textes grecs et latins relatifs à l’Extrême-Orient.
  82. Researches, p. 85 et suiv.
  83. M. PELLIOT (T’oung Pao. 1912, p. 455) a signalé à titre d’hypothèse un rapport entre Takôla et to-kou (*ta-kut = takur ?), nom du cardamome au pays de K’ie-kou-lo cité dans l’Histoire des T’ang. Or ce pays est probablement identique au Ko-kou-lo que Kia-tan place à 1’Ouest du Ko-lo(= Kědah ? voir plus loin) en communication directe avec lui, et au Qaqula ou Qaqola (Ibn Batoutah) dont le nom signifie justement « cardamome ». — Noter de plus que la traduction traditionnelle de pali takkolam en cambodgien et en siamois est kravān = « cardamome », et que CHILDERS, Dict. of the Pāli language s. v. takkolam, dit : « the sinhalese is takul » qui paraît bien être apparenté de très près au to-kou = takur de l’Histoire des T’ang.
  84. Madras Review, 1902. Cette identification a été ensuite adoptée par V. A. SMITH, Early history of India, p. 466, et par G. FERRAND, Textes arabes, p. 647 n. 6.
  85. Buch des Rāgāwaṅ, pp. 112-115 (Sitzungsber. Akad. Wiss, Wien, phil.-hist. CLI, 3).
  86. Trad. HIRTH-ROCKHILL, pp. 62, 67, 68.
  87. A record..., p. XLIII-XLV.
  88. BEFEO., IV, p. 328 n. 6.
  89. T’oung Pao, 1901, pp- 130-131.
  90. Loc. cit.
  91. JRAS., 1905, p. 498.
  92. Compte-rendu de la traduction de TCHAO JOU-KOUA par HIRTH et ROCKHILL, JRAS., 1913, p. 166 : « If the sailing time between Ling-ya-sseu-kia and Tan-ma-ling is correctly given in the text, it seems doubtful whether the latter can be Kuantan, as six days would be rather a short time, considering the weak monsoon of the Straits of Malacca ».
  93. Cette inscription ainsi qu’une autre de même provenance, très ruinée, a fait partie pendant quelque temps des collections particulières du Prince Damrong. C’est chez lui que M. DE LAJONQUIERE les a signalées (BCAL, 1912, p. 41).
  94. PISCHEL, Gramm. d. Prākrit-Spr., § 295.
  95. FA-HIEN, ch. 37.
  96. YI-TSING, passim.
  97. SII., I, p. VI.
  98. T’oung Pao, 1901, p. 126.
  99. Trad. HIRTH-ROCKHILL, p. 68.
  100. Cf. DE LAJONQUIERE, Le domaine archéologique du Siam, BCAI, 1909, p. 256 : « II me semble qu’ils (= les vestiges archéologiques de Jaiya, Vieng Sa, et Takua Pa) jalonnent une route de transit à travers la presqu’île et par suite un des petits royaumes hindous qui se la partagèrent». — P. 259 : «... Trang sur une rivière qui descend du Nord et dont la vallée correspond à une passe vers Nakhon Sri Thammarat. Ce port, d’ailleurs de fondation toute récente, communique en outre avec Pathalung... par un chemin commode ; on va ainsi facilement à bicyclette d’une mer à l’autre en quelques heures ; avec les commodités actuelles en moins, ce furent là certainement deux voies de transit qui demandaient, celle de Pathalung 2 ou 3 étapes par terre et autant par voie d’eau jusqu’à la baie de Lakhon ; l’autre, celle de Lakhon, 5 ou 6 étapes à travers un pays facile et très habité ».
  101. G. FERRAND, Textes arabes, Index, s. v. Lāmurī.
  102. Ed. YULE-CoRDIER. II, p. 299.
  103. Loc. cit., p. 647 n. 7.
  104. Trad. HIRTH-ROCKHILL., pp. 62, 72. — Cf. GROENEveLDT, Notes, p. 98 ; HIRTH, T’oung Pao, 1895. p. 152 ; SCHLEGEL, Ibid., 1901, p. 138.
  105. Loc. cit.. II, p. 306.
  106. Cité par KANAKASABHAI, Madras Review, 1902. Cf. FERRAND, Textes arabes, II, p. 648.
  107. VENKAYYA. Arch-Surv. India, ann. rep.. 1907-8, p. 233 ; Rep. Arch, Surv. Burma, 1909-10, pp. 14-15.
  108. VENKAYYA, Ibid.
  109. Dans une allusion aux conquêtes des Čojas : « Les éléphants de guerre des Čojas ont bu l’eau du Gange à Manni ; et Kadāram où les hurlantes vagues de cristal lavaient le sable mêlé d’or rouge fut annexé ». KANAKASABHAI, Ibid.
  110. Kathāsaritsāgara, trad. TAWNEY, I, pp. 87, 92, 552 ; II, pp. 44, 598.
  111. A. FOUCHER, Iconographie bouddhique, pp. 102 et 194.
  112. CHAVANNES, Religieux éminents, pp. 105-119. — TAKAKUSU, A record, pp. xxx, XXXIII.
  113. CHAVANNES, loc. cit., p. 144. — TAKAKUSU, loc. cit., p. XLVI.
  114. BEFEO., IV. p. 351.
  115. Par ex. : khmèr Ràjagrih = skr. Rājagrha ; grohgraha, etc.
  116. PISCHEL, Gramm. d. Prakrit-Spr.,§ 198.
  117. PELLIOT, Deux itinéraires, BEFEO. IV, p. 352.
  118. Kien-pi = Kampe (Nāgarak.) = Kampei à Sumatra (PELLIOT. Ibid., n. 5).
  119. Trad. HIRTH-ROCKHILL, p 89.
  120. PELLIOT, Les noms propres du Milindapañha, JA., 1914, p. 388.
  121. S. LEVI, Catalogue des Yaksas de la Mahāmàyūī, index, s. v. t’o, JA., 1915 (I), p. 132. — Il suffit d’ailleurs que le nom soit parvenu aux oreilles des Chinois par l’intermédiaire d’un dialecte ne possédant pas de linguale pour qu’ils aient enregistré une dentale.
  122. La vocalisation Kilah semble suspecte à M. PELLIOT (loc. cit., p. 351 n. 6). Mais l’existence des formes Ki-t’o et Kidāram la rend au moins possible.
  123. PELLIOT, Ibid., pp. 351-352.
  124. Notes on malay history, J. Straits Br. KAS., 1909 (53). p. 148.
  125. Ce fait constitue, soit dit en passant, un des meilleurs arguments en faveur de l’identification de Kie-tch’a à Kědah. En réponse à GERINI qui reprochait ironiquement aux sinologues d’avoir fait de Kědah « the hub of the Universe » (JRAS., 1905. p. 500), M. BLAGDEN dit fort justement : « Kědah happens to be the first point on the Peninsula which a navigator would reach if he came from Ceylon and took the route from Point de Galle to Achin Head. And that is the natural and obvions line to take, as soon as mere coasting voyages have been abandoned ». (JRAS.. 1913, p. 168).
  126. Méthode, n° 297.
  127. Les formes arabes sont de peu de secours, vu l’incertitude de leur vocalisation.
  128. T’oung Pao, 1901, p. 175.
  129. En chinois, deux caractères différents (Note Wikisource.)
  130. BEFEO., IV, pp. 336, 337 n. 1.
  131. Ibid.
  132. JA., 1915 (1).
  133. Notes, p. 62.
  134. PELLIOT, Les noms propres du Milindapañha, JA., 1914 (2), p. 393.
  135. La confusion entre v et b, commune à tant d’alphabets indiens ou d’origine indienne, était probablement causée par un phénomène phonétique. Un syllabaire sanskrit, dū sans doute à Yi-tsing, emploie le même caractère p’o pour représenter skr. ba et va (cf. TAKAKUSU, Record, p. LXI). Dans les parlers indochinois et en malais, la plupart des mots d’origine indienne commençant par v sont écrits et prononcés avec un b. A propos de l’inscription de Bangka, M BLAGDEN remarque : « It will be noticed that many of the above words have v which modem Malay has replaced by b ». (J. Straits Br. RAS., 1913) (n°64), p. 70. — Vijaya est devenu bijai en khmèr et en thaï.
  136. C’est ce phénomène qui explique des formes telles que : khmèr būj (pue) = skr. bija ; bum (pŭm) = bimba ; bumsen (pŭmsèn) = bhīmasena. En cham bon nombre de mots commencent indifféremment par ba, bi, ou bu ; skr. vikata a donné bikal et bukal.
  137. La forme Çrīvijaya n’explique évidemment pas le San de San-fo-ts’i, mais Çrībhoja ne l’explique pas davantage.
  138. BEFEO, IV, p. 202. — MASPERO, Champa, T’oung Pao, 1910, p. 185 ; 1911, p. 80.
  139. BEFEO., IV, pp. 202 n. 2, 337.
  140. Ibid., III, p. 639 ; IV, pp. 906, 965, 975 ; XV, II, p. 50.
  141. Ibid., IV, p. 324 n. 5.
  142. On notera que le Çrīvijayapura du ms. népalais correspond exactement (sauf l’omission de Çrī) au Fo-che-pou-lo qui se rencontre dans Yi-tsing comme synonvme de Fo-che.
  143. Cf. ce passage du Ling wai tai ta cité par HIRTH et ROCKHILL (Trad. de TCHAO JOU-KOUA, p. 63) : « San-fo-ts’i is in the Southern Sea. It is the most important port of call on the sea-routes of the foreigners, from the countries of Chö-p’o on the East and from the countries of the Ta-che and Kou-lin on the West. They all pass through it on their way to China ».
  144. A qui garderait quelque doute sur l’identité du Çrīvijaya de la stèle de Vieng Sa, et de Çrīvijaya = Che-li-fo-che, San-fo-ts’i, je rappelle que l’inscription de la seconde face de cette stèle est au nom d’un Mahārāja issu du çailendravamça, et que ce vamça est précisément celui dont se réclamaient Çrī Cūlāmaṇivarman et Çrī Māravijayottuṅgavarman, rois de Çrīvijaya = Sseu-li-tchou-lo-wou-ni-fo-ma-tiao-houa et Sseu-li-ma-lo-p’i, rois du San-fo-ts’i.
  145. CHAVANNES, Religieux éminents, p. 36 n. 3. — GERINI, Researches, p. 557 et suiv.
  146. Si cette hypothèse venait à être définitivement confirmée, on aurait peut-être du même coup la solution d’un problème assez important pour l’histoire du Cambodge. On sait que, aux termes de l’inscription khmère de Sdok kak thom, le roi Jayavarman II, qui devait refaire au début du IXe siècle l’unité du Cambodge, « vint de Javā » et invita un savant brahmane à « composer un rituel pour que le Cambodge ne fūt plus dépendant de Javā ». (FINOT, L’inscription de Sdok kak thom, BEFEO., XV, 11, pp. 87-88). On a généralement rapproché de ce texte attestant la dépendance du Cambodge au VIIIe siècle, l’histoire de l’invasion du royaume khmèr et sa défaite par les armées du Maharaja de Zābaj, racontée par Abu Zayd (G. FF.RRAND, Textes arabes, p. 85). Si Zābaj est bien le royaume malais de Sumatra, Java, qui a été sūrement appliqué quelquefois à Sumatra, serait ici une autre désignation du royaume de Palembang. Un état, qui dans la seconde moitié du VIIIe siècle étendait sa suzeraineté jusque vers la baie de Bandon, se trouvait assez proche du Cambodge pour avoir pu, à la faveur de troubles survenus dans ce pays, s’arroger sur lui certains droits. M. FINOT aurait donc suivi la bonne piste en cherchant sur la Péninsule Malaise le Javā de l’inscription de Sdôk kak thom (loc. cit., p. 57) : il s’agirait du royaume de Çrīvijaya qui occupait alors une partie de la Péninsule.
  147. CRAWFORD, History of the Indian Archipelago, II, pp. 373, 481.
  148. « No place called Kelantan is, however, known in Sumatra in the neighborhood of Palembang, and Kelantan on the Malay Peninsula is here ont of the question». (Toung Pao, 1901, p. 133).
  149. BEFEO., IV, p. 345 n. 1.
  150. Historical retrospect of Junkceylon Island, J. Siam Soc. II (1905), pp. 124, 130-131.
  151. Papers on Malay subjects, History, part I, p. 8.
  152. A propos du passage des Annales des Yuan d’après lequel en 1295 les gens du Sien (= royaume de Sukhodaya) s’entretuaient depuis longtemps avec les Ma-li-yu-eul (= Malais de la Péninsule), M. BLAGDEN dit : « This would throw back the beginnings of regular Malay seulement in the Peninsula well into the middle of the 13th century, if not earlier, and I see no reason why that should not be so ». {J. Straits Br.RAS., 1909 [53], p. 162). — A propos du Fo-lo-an de Tchao Jou-koua, que M. BLAGDEN identifie hypothétiquement à Pathalung : « The names agree sufficiently. The difficulty is its alleged tributary relation to Palambang... We know so little about the history of the Peninsula that we cannot say for certain whether it had been colonized by the Malays at this period or even in Chau Jou-koua’s time some fifty years later. It is quite possible that it had ». (JRAS., 1913, p. 167).
  153. Autre nom du bakula qui fleurit en même temps que le manguier
  154. La traduction de emaguṇo a été omise à dessein, le mot védique ema, eman « chemin » étant tout à fait improbable dans ce texte.
  155. Ou : précieux foudre frappant cette montagne, etc. ( ?)
  156. La lecture asi est sûre, mais j’avoue n’en rien pouvoir tirer.
  157. Traduction conjecturale que je propose sous toutes réserves, n’ayant pas à ma disposition les instruments de travail nécessaires pour calculer la date.
  158. La lecture nigadatah est à peu près certaine, mais le texte semble corrompu, car il manque de toute façon une brève pour faire la sragdhara.
  159. Ce texte est extrêmement incorrect. La date notamment estexprimée dans un véritable charabia. Je suppose que dam (l. 1) est un participe fautif de √- dā. On remarquera les formes prākritisantes sāsana, subha, tāmbra, vamsa.
  160. Song che, k. 489, p. 5 2° (cité d’après PELLIOT, BEFEO., IV, p. 404, et SCHLEGEL, T’oung Pao, 1901, p. 135). Le passage en question est reproduit dans la Géographie des Ming (SCHLEGEL, Ibid.) et dans Ma-touan-lin (D’HERVEY DE SAINT-DENYS, Méridionaux, p. 486).
  161. Sur la date de la composition du Tchou-fan-tche, cf. PELLIOT, T’oung Pao, 1912, p. 449.
  162. T’oung Pao, 1901, p. 136.
  163. « A very puzzling name » (Researches, p. 627).
  164. Sur ce site, cf. BCAI., 1912, p. 137.
  165. Cette forme inconnue au Cambodge apparaît dans les inscriptions de Sumatra. (Cf. Bijdr., deel 67, pl. de la p. 404).
  166. Les quatre chiffres 1, 1,0,0 sont absolument nets. Ils sont suivis d’un cinquième signe identique au 6 des inscriptions kawi (BURNELL, South-indian paleogr. pl. XXIII). Aucune date ne pouvant comporter cinq chiffres, il faut supposer, soit que ce dernier signe n’est pas un chiffre mais un signe de ponctuation, soit que l’un des chiffres 1, 0, a été répété par inadvertance- La première hypothèse semble impossible : çaka 1100 n’est pas une année du Lièvre mais du Chien. L’autre n’est guère plus satisfaisante. En supprimant l’un des deux 1, nous aurions 1006. année du Rat ; en supprimant l’un des deux o, nous aurions 1106, année du Dragon. C’est l’année précédente, 1105, qui fut une année du Lièvre.
  167. Ou « sous le règne ? » — Traduction conjecturale d’une expression dont la lecture est douteuse.
  168. Cf. supra, p. 3.
  169. BEFEO., IV, p. 242.
  170. L’inscription de Phnom Bakhèn que M. Aymonier datait 1205 ç. année mame « de la Chèvre » ne saurait être invoquée. Cf. une note de M. Finot in T’oung Pao, 1906, p. 62 n. 2.