Arc de Constantin
L’arc de Constantin est un arc de triomphe à Rome, situé entre le Colisée et le Palatin. Il se trouve de nos jours dans le rione du Celio, l'ancienne route des triomphes.
Arc de Constantin | ||
Vue de l'arc depuis la Via Triumphalis. | ||
Lieu de construction | Regio I Porta Capena Voie triomphale |
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Date de construction | 315 apr. J.-C. | |
Ordonné par | Constantin Ier | |
Type de bâtiment | Arc de triomphe | |
Hauteur | 21,10 m | |
Longueur | 25,70 m | |
Dimensions externes | Épaisseur : 7,40 m | |
Le plan de Rome ci-dessous est intemporel. |
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Coordonnées | 41° 53′ 23″ nord, 12° 29′ 27″ est | |
Liste des monuments de la Rome antique | ||
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Il fut construit par le Sénat romain pour commémorer à la fois la victoire de Constantin au pont Milvius contre Maxence le ainsi que ses 10 années de pouvoir. Il fut placé près du Colisée et de la Meta sudans, Constantin voulant associer son règne à celui de la dynastie flavienne qui avait érigé ces monuments[1].
Inauguré le (date correspondant aux decennalia du règne de l'empereur), c'est le dernier de la série des arcs de triomphe à Rome, dans laquelle il se distingue par son utilisation systématique de réemplois (spolia) de monuments antérieurs.
Présentation globale de l'arc
modifierL'arc mesure 21,10 m de haut, 25,7 m de large et 7,4 m de profondeur. Il possède trois baies : la baie centrale est la plus grande, avec 11,5 m de haut pour 6,5 m de large, tandis que les passages latéraux mesurent 7,4 m de haut pour 4,4 m de large. La partie inférieure du monument est construite de blocs de marbre, tandis que la partie supérieure, l'attique, est en maçonnerie de briques revêtue d'un placage de marbre. Un escalier est aménagé dans l'épaisseur de l'arc ; on y accède par une porte située en hauteur sur le côté regardant le Palatin.
La conception générale du monument, avec une partie centrale structurée par quatre colonnes libres (et non engagées comme sur beaucoup d'arcs) et un attique comportant au centre une inscription monumentale, est inspirée du modèle de l'arc de Septime Sévère sur le Forum Romain. Certains auteurs ont suggéré que la partie inférieure de l'édifice remontait en fait à un monument antérieur, probablement de l'époque d'Hadrien plutôt qu'à la construction du IVe siècle.
L'arc chevauche la Via Triumphalis, la route prise par les empereurs lorsqu'ils entrent dans la cité pour célébrer leur triomphe. L'itinéraire de cette route commence au Champ de Mars, conduit au Circus Maximus et fait le tour du Palatin. Immédiatement après avoir franchi l'arc de Constantin, la procession triomphale tourne vers la gauche et suit la Via Sacra jusqu'au Forum Romain, puis au Capitole, en franchissant à la fois l'arc de Titus et l'arc de Septime Sévère.
Au Moyen Âge, l'arc de Constantin est incorporé dans une des forteresses familiales de Rome. Des travaux de restauration sont entrepris pour la première fois dans les années 1990.
Décor
modifierMalgré les restaurations modernes et récentes, le décor de l'arc diffère beaucoup de son état initial : ont disparu le groupe statuaire qui le couronnait (représentant peut-être Constantin sur un quadrige) et la majeure partie des placages de pierre colorée revêtant la façade, dont il ne reste que des fragments de porphyre sur la face nord. Le principal élément de décor sculpté détruit est la frise qui devait courir tout autour du monument, symétriquement à la frise constantinienne, au sommet de la partie médiane, juste au-dessous de la corniche de l'attique. On suppose que cette frise comportait elle aussi un cycle narratif sur la conquête du pouvoir par Constantin.
Le décor de l'arc remploie massivement des fragments de monuments plus anciens, qui prennent une nouvelle signification dans le contexte constantinien. Sur ce monument commémoratif de la victoire de Constantin, la nouvelle frise historiée représentant sa campagne d'Italie constitue le motif significatif le plus important : elle célèbre l'empereur, à la fois dans ses fonctions militaires et civiles.
D'autres motifs iconographiques renforcent ce programme : les éléments de décor (bas-relief, statues) pris sur les monuments de l'Âge d'Or impérial, sous Trajan, Hadrien et Marc Aurèle, et remployés sur l'arc, situent Constantin dans la lignée de ces empereurs modèles. Ils évoquent l'image du dirigeant pieux et victorieux.
L'utilisation de ces remplois est également expliquée par la rapidité de construction de l'arc, commencée à la fin de 313 au plus tôt, et achevée pour l'inauguration à l'été 315 : c'est faute du temps nécessaire pour sculpter de nouveaux reliefs que les architectes auraient réutilisé des pièces existantes. On invoque aussi parfois l'incapacité technique des ateliers romains de sculpture du IVe siècle de produire des œuvres d'une qualité comparable à celles du IIe siècle : le pillage des monuments antérieurs constituerait l'aveu implicite de cette infériorité artistique en même temps que la reconnaissance admirative des œuvres de l'époque précédente. Cette interprétation n'est toutefois plus guère retenue, en raison de la réévaluation de l'esthétique qui domine l'art de l'Antiquité tardive : on admet généralement aussi, ce qui est démontré par certaines œuvres, notamment dans les arts mineurs (comme la sculpture sur ivoire) que les artisans de cette époque avaient les moyens techniques d'approcher, sinon d'égaler le classicisme de leurs prédécesseurs. Un argument important en faveur de cette réévaluation est la qualité des portraits de Constantin et de Constance Chlore ou Licinius retaillés à partir des portraits d'empereurs du IIe siècle, aussi bien sur les tondi de l'époque d'Hadrien que sur les grands panneaux du règne de Trajan ou de celui de Marc-Aurèle.
Ces différentes explications ne sont pas exclusives l'une de l'autre et peuvent chacune contribuer à rendre compte des remplois dans ce monument. Cette pratique n'est par ailleurs en rien exceptionnelle à l'époque, puisque de nombreux monuments élevés sous le règne de Constantin font aussi largement appel à des remplois : c'est le cas par exemple de la première basilique Saint-Pierre de Rome ou encore de nombreux monuments de la nouvelle capitale impériale, Constantinople.
Reliefs de l'attique
modifierAu-dessus de la baie centrale, l'inscription principale occupe la place principale de l'attique. Elle est identique sur les deux faces.
De chaque côté de cette inscription, surplombant les deux baies secondaires, se trouve une paire de panneaux de bas-reliefs, donc huit au total. Ils proviennent d'un monument non identifié érigé en honneur de Marc Aurèle, et représentent : sur la face nord, de gauche à droite, l'entrée de l'empereur (thème de l'adventus impérial) dans la ville de Rome après la campagne, l'empereur quittant la ville et salué par une personnification de la Via Flaminia, l'empereur distribuant de l'argent au peuple (la largitio) et l'empereur interrogeant un prisonnier germain ; sur la face sud, de gauche à droite, un chef ennemi prisonnier amené devant l'empereur, d'autres ennemis prisonniers présentés à l'empereur, l'empereur s'adressant aux troupes (adlocutio) et l'empereur sacrifiant un porc, un mouton et un taureau (scène de "suovétorile").
Ces huit panneaux, ainsi que trois autres conservés au musée du Capitole, proviennent d'un monument commémoratif célébrant le triomphe de Marc Aurèle en 176 sur les Sarmates dans la guerre de 169-175. Sur le panneau de la largitio, le portrait du fils de Marc Aurèle, Commode, avait été effacé à la suite de la condamnation de sa mémoire (damnatio memoriae) par le Sénat en 193. Les portraits de Marc Aurèle sur ces différents reliefs sont en réalité des restaurations du XVIIe siècle : dans l'état d'origine de l'arc, ils avaient été retaillés pour représenter Constantin.
Au sommet de chacune des huit colonnes encadrant les baies se trouve une statue de prisonnier dace, probablement prise au forum de Trajan.
De la même époque sont les deux grands panneaux (3 mètres de haut) qui ornent les petits côtés de l'attique et représentent des scènes des guerres de Dacie. Ils proviennent, de même que les deux bas-reliefs situés sur les parois du passage central, d'une grande frise célébrant la victoire sur les Daces. Elle devait se trouver à l'origine sur le forum de Trajan ou dans les casernes de la cavalerie sur le Cælius. Les figures de Trajan sur ces panneaux ont été retravaillées de la même façon que celles d'Hadrien sur les médaillons, pour les adapter au nouvel empereur.
Partie principale (piles et entablement)
modifierLa structure générale de la façade principale est identique sur les deux faces de l'arc. Elle est divisée par quatre colonnes corinthiennes libres, en marbre jaune de Numidie (giallo antico). L'une d'entre elles fut transférée pour être utilisée à la basilique Saint-Jean-de-Latran et remplacée par une colonne de marbre blanc. Les bases des colonnes sont ornées, de face, par des victoires, et sur les côtés par des captifs barbares et des soldats romains.
Les écoinçons de l'arc central sont décorés de reliefs de Victoire portant un trophée, tandis que ceux des arcs secondaires présentent des personnifications de fleuves. Les reliefs des écoinçons, comme ceux des bases des colonnes, datent de l'époque constantinienne.
Au-dessus de chaque baie latérale se trouvent des paires de reliefs circulaires remontant à l'époque d'Hadrien : le monument d'origine de ces sculptures n'est pas connu, mais on suppose qu'il célébrait la chasse, une des activités favorites de l'empereur : sur les tondi alternent en effet des scènes de chasse et de sacrifice.
Sur la face nord, les médaillons présentent de gauche à droite : une chasse au sanglier ; un sacrifice à Apollon ; une chasse au lion ; un sacrifice à Hercule.
Sur la face sud, de gauche à droite : un départ à la chasse ; un sacrifice à Silvanus ; une chasse à l'ours ; un sacrifice à Diane.
Le portrait d'origine de l'empereur Hadrien a été retravaillé sur tous les médaillons de façon à représenter, du côté nord, Constantin dans les scènes de chasse et Licinius ou Constance Ier, père de Constantin, dans les scènes de sacrifice, et inversement du côté sud.
Les reliefs, qui mesurent environ 2 m de diamètre, étaient encadrés de porphyre, qu'on ne retrouve que du côté nord de l'édifice. Des médaillons comparables, mais d'époque constantinienne, ont été placés sur les petits côtés de l'arc : ils représentent les chariots du Soleil levant (côté est) et de la Lune (côté ouest).
La frise constantinienne
modifierLe bas-relief principal contemporain de la construction de l'arc est la frise à motif historique qui se déploie tout autour du monument en dessous des médaillons, à raison d'une bande au-dessus de chaque arc secondaire et sur les petits côtés de l'arc. Elle représente des épisodes de la campagne italienne de Constantin contre Maxence, en raison de laquelle on procéda à la construction du monument.
La frise commence sur le côté ouest avec la scène du départ de Milan, se poursuit du côté sud (qui regarde vers l'extérieur) avec le siège d'une ville, probablement Vérone, qui joua un grand rôle dans la guerre en Italie du nord. C'est sur cette façade aussi que se trouve représentée la bataille du pont de Milvius, avec l'armée victorieuse de Constantin et l'ennemi en train de se noyer dans le Tibre.
Sur le côté est du monument, la frise montre Constantin et son armée entrant à Rome. Il est notable que l'artiste a évité dans ce cas l'utilisation de l'iconographie du triomphe, probablement parce que Constantin ne souhaitait pas apparaître en train de triompher sur Rome. Du côté nord, qui fait face à la ville, deux bandes représentent les actes de l'empereur après la prise de Rome : Constantin s'adresse aux citoyens sur le Forum Romain, et procède à une distribution d'argent.
Reliefs latéraux dans les passages
modifierDans le passage central se trouve sur chaque paroi un des grands panneaux de la guerre de Trajan contre les Daces. Dans les passages latéraux étaient placés huit bustes (deux par mur) qui ont été endommagés au point de ne plus être identifiables.
Inscription
modifierL'inscription principale était à l'origine en lettres de bronze. Elle est encore lisible grâce aux caractères en creux et aux trous de fixation qui subsistent. Le texte, identique sur les deux faces, se lit :
IMP(eratori) CAES(ari) FL(avio) CONSTANTINO MAXIMO
P(io) F(elici) AVGUSTO S(enatus) P(opulus) Q(ue) R(omanus)
QVOD INSTINCTV DIVINITATIS MENTIS
MAGNITVDINE CVM EXERCITV SVO
TAM DE TYRANNO QVAM DE OMNI EIVS
FACTIONE VNO TEMPORE IVSTIS
REMPVBLICAM VLTVS EST ARMIS
ARCVM TRIVMPHIS INSIGNEM DICAVIT
Traduction : Au pieux et heureux empereur César Flavius Constantin le Grand, Auguste, parce que, sous l'inspiration de la divinité et par grandeur d'esprit, avec son armée et de justes armes, en un seul coup décisif, il a vengé l'État sur le tyran et toute sa faction, le Sénat et le peuple romain dédient cet arc en signe de son triomphe.
Les mots instinctu divinitatis (« sous l'inspiration de la divinité ») ont fait l'objet de nombreux commentaires. On y voit en général le signe du changement d'affiliation religieuse de Constantin : la tradition chrétienne, notamment Lactance et Eusèbe de Césarée, rapporte que Constantin aurait eu une vision du dieu des chrétiens au cours de la campagne, et qu'il fut victorieux au pont Milvius grâce au signe de la croix qu'il avait fait inscrire sur les boucliers de son armée. Mais, bien que Constantin ait commencé à soutenir activement l'Église à partir de 312, le symbole du Dieu Soleil, Sol Invictus, continue de figurer en bonne place sur les documents officiels de son règne — notamment les monnaies — jusqu'en 324. La formulation assez vague de l'inscription sur l'arc, dans ce contexte, peut être volontairement interprétée de différentes façons, selon les lecteurs, et satisfaire ainsi à la fois les païens et les chrétiens, l'inscription ayant fait l'objet d'un compromis entre le Sénat composée d'une vieille aristocratie païenne et les nouvelles croyances de Constantin[2].
Comme il est de coutume, l'ennemi vaincu n'est pas mentionné nommément dans l'inscription, mais seulement par une référence indirecte au « tyran », selon une terminologie qui, avec l'image d'une « guerre juste », justifie l'assassinat d'un dirigeant illégitime et donc la guerre civile déclenchée par Constantin contre son collègue Maxence.
Le même message est répété en deux courtes inscriptions situées sur les parois intérieures du passage central : LIBERATORI VRBIS (libérateur de la cité) — FVNDATORI QVIETIS (fondateur de la paix). Constantin se présente ainsi en libérateur et non en conquérant. Il a délivré la Ville de l'occupation et rétabli la paix.
Au-dessus des baies secondaires, d'autres courtes inscriptions se lisent ainsi : VOTIS X — VOTIS XX — SIC X — SIC XX (« Vœux solennels pour le 10e anniversaire — pour le 20e anniversaire — de même que pour le 10e, de même pour le 20e anniversaire »). Elles permettent de dater l'arc de triomphe des decennalia de Constantin (dixième anniversaire de son règne, compté à partir de 306), qu'il célèbre à Rome lors de l'été 315. Il est naturel de supposer que l'arc a été inauguré durant ce séjour dans la Ville.
Représentation
modifierCanaletto, peintre vénitien de vedute le représente encore en ruine en 1742[3], et Camille Corot le montre de côté avec le Forum[4].
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L'Arc de Constantin
Canaletto, 1742
Royal Collection -
L'Arc de Constantin et le Forum, Rome
Camille Corot, 1843
The Frick Collection, New York
Notes et références
modifier- (en) Elizabeth Marlowe, « The Mutability of All Things’: The Rise, Fall and Rise of the Meta Sudans Fountain in Rome », in D. Arnold and A. Ballantyne, Architecture as Experience: Radical Change in Spatial Practice, Routledge, 2004, p. 45
- Pierre Maraval, « L'Empereur Constantin » dans La Marche de l'histoire, 29 novembre 2011
- Canaletto, Royal Collection
- Camille Corot, Frick Collection
Voir aussi
modifierBibliographie
modifier- (it) Patricio Pensabene, et Clementina Panella, Arco di Costantino: tra archeologia e archeometria, Roma, 1999 ;
- (it) Maria Letizia Confortoet al., Adriano e Costantino. Le due fasi dell'arco nella Valle del Colosseo, Milan, 2001.
- (en) Bryan Ward-Perkins, « Re-using the architectural legacy of the past, entre idéologie et pragmatisme », in G. P. Brogiolo et B. Ward-Perkins (éd.), The Idea and Ideal of the town between Late Antiquity and the Early Middle Ages, Brill, 1999, p. 225-244.
- José Ruysschaert, « Essai d'interprétation synthétique de l'Arc de Constantin », Estratto dai RENDICONTI della Pontificia Accademia Romana di Archeologia, vol. XXXV 1962-1963, p. 79-100.