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Jugère

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Le jugerum ou jugère est une ancienne unité de surface agraire romaine, promue pour la mesure uniformisée de la superficie des terres agricoles (champs, prairies, vergers, jardins...) dans le monde gréco-romain tardif à partir de la fin du IIIe siècle. Il y témoigne de l'art commun et ancien de l'arpentage antique et de la continuité des pratiques de contrôle foncier, largement développées par les autorités fiscales au début du second Empire romain.

Cette superficie normalisée à environ 25 ares est à l'origine du jour ou du journal de l'ancien monde paysan, voire de la jugère ou de la juchère, du juchert ou du jugum (joug mesuré).

Origine et évolution

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Le terme latin classique neutre, au singulier jūgěrum, i, au pluriel jūgěra, um, désigne selon Félix Gaffiot une surface rectangle de 240 pieds de long sur 120 pieds de large, soit environ 25 ares : il s'agit d'une ancienne mesure agraire de même valeur que l'arpent, terme d'origine gauloise[1]. Il n'a aucun rapport direct avec le joug des bovins, même si la mesure correspondait de façon légendaire à l'aire qui pouvait être labourée par un attelage d'une paire de bœufs (nécessairement joutés) en une seule journée ou matinée de travail. Le mot latin de genre féminin jūgěrātǐo, iōnis désigne la mesure d'un jugérum (sic) ou jour et surtout l'art de l'arpentage ou action de diviser par jugère, les biens fonciers.

L'évolution de terme latin a engendré respectivement jour en français et Joch en allemand. Le latin médiéval a laisse au français les mots "jugérum" ou "jugère". Ce dernier mot, ou ses dérivés, en ancien et moyen français peut être de genre masculin ou féminin[2].

L'évolution du mot adjectival dérivé en latin classique jūgěrālis, e, "(d'une superficie) d'un jour" a probablement laissé le mot journal. Cette unité était variable selon les diverses provinces et contrées locales de l'ancienne Francia. En France, la moyenne de la superficie invoquée atteste une hausse sensible par rapport à la référence romaine antique, soit 33 ares.

Dans l'Est de la France, le jour de la montagne lorraine a été normalisé à 20 ares, lors de l'adoption du système métrique au cours du XIXe siècle. Autrefois, les variantes et adaptations de la jugère étaient d'une extrême variété dans le temps et l'espace, sans mentionner les autres mesures de surface agraires[3].

Définition du jugère antique à l'époque romaine

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Elle correspond grosso modo au « jour », au « journal » ou à la « journée », vieille mesure d'arpentage et de labeur paysan tout en étant synonyme du « journal de bœufs ».

Le jugère romain apparaît à l'époque de la république romaine. Il correspond selon Columelle à deux "actus quadratus", soit deux fois la superficie d'un carré de 120 pieds, ou encore deux arpents soit deux fois 144 perches carrées, 28 800 pieds carrés, un demi acre dans le cadre de l'heredium[4]. Il représente donc environ 25,20 ares, c'est-à-dire approximativement un quart d'hectare[5].

Le jugère romain est créé lors de la crise agraire, dite « des Gracques », dans la République romaine du IIe siècle av. J.-C. En 133 avant Jésus-Christ, Tibérius Sempronius Gracchus voulait en effet limiter la surface des grandes propriétés à 500 jugères maximum (125 hectares) pour assurer une plus grande répartition de l'ager publicus à tous les citoyens, et pouvoir ainsi recruter plus largement dans l'armée romaine puisqu'il fallait posséder des terres pour être enrôlé.

Bas-Empire romain et temps mérovingiens

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Le mot juga peut être le pluriel de jugum, terme neutre désignant l'unité d'arpentage et de superficie.

Mais la juga représente aussi l'ensemble des terres arables cadastrées, sur lequel se fonde l'impôt foncier au second Empire romain, à l'initiative de Dioclétien. Ainsi en latin médiéval la jugatio ou le jugum représente l'assiette fiscale durant l'Antiquité tardive mesuré en juga sur les biens fonciers ou les terres mises en valeur, déclarées et/ou contrôlées. Par extension, ces mots de percepteurs d'impôts désignent la redevance sur les jours cultivés.

Ce système associé à la gestion administrative et fiscale perdure dans les cités mérovingiennes, avant d'être adapté par l'administration religieuse et temporelle chrétienne de la paysannerie.

Variété du legs du latin médiéval

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Le latin médiéval, ancienne langue de l'écrit administratif, possède, un grand nombre de mots provenant de l'évolution du mot latin jugerum, ou de ses interprétations[6].

Voici quelques formes attestées par cette vaste littérature administrative :

  • jugum. Pour justifier cette appellation synonyme, les auteurs affirment que le "jugum terrae" ou joug de terre est un quantum de terre arable que des bœufs joutés peuvent labourer ou cultiver en un jour (durée de labeur).
  • jugia
  • jugium (jugii au pluriel)
  • jucata, souvent synonyme de jornata (jour ou journée au sens d'unité de superficie).
  • juctus ou juctos, selon divers "polyptyques" médiévaux[7].
  • junctus selon la charte noire de l'abbaye Saint-Martin-de-Tours[8]
  • junctum ou junctos
  • juhert, par exemple dans les Acta Murensis monasterii[9]. Il a engendré le ou la juchert, la juchère, le jouchart, et probablement le "jour (de terre, de prairie, de champ, de pré...)" et son dérivé "la journée".
  • juchus ou juchos.
  • jochus, par exemple dans l'Alemannicas Goldasti, qui a pu laisser le mot allemand Joch et peut-être quelques mots de patois roman de l'Est de la France, assimilé à "jour".

Notes et références

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  1. Définitions selon Marcus Porcus Cato, Cicéron ou Juvénal[réf. souhaitée]Selon Pline l'Ancien, le mot jugerum désignait aussi une unité de longueur de 100 pieds grecs ou 104 pieds romains[réf. nécessaire].
  2. François-Olivier Touati, Vocabulaire historique du Moyen Âge (Occident, Bysance, Islam), La Boutique de l'Histoire, Paris, simple entrée "jugère"
  3. Sur la difficulté de connaître les mesures d'une jugère ou d'un journal suivant les lieux ou contrées, et surtout à différentes périodes historiques, lire la réflexion complémentaire d'Annie Antoine concernant la signification politique des mesures de superficie. Sur les autres mesures de surface agraire, revenons à l'article principal de Pierre Morlon sur le site de l'inra
  4. L'association de deux carrés uniformes a pu justifier par une pseudo-étymologie une parenté avec le verbe jŭgo,are au sens de lier, attacher ensemble et avec jŭgum, "joug".[réf. nécessaire]
  5. Dezobry et Bachelet, Dictionnaire de biographie, T. 1, Ch. Delagrave, 1878, p. 1452.
  6. Son vaste lexique possède évidemment le terme classique "jugerum, jugera au pluriel", bien défini par une définition lapidaire telle que "mensuria agraria", soit une mesure agraire. Les formes présentées sont dans le glossaire de Du Cange.
  7. Pour changer le mot classique et (re)justifier peut-être sa mesure, les clercs exposent une modalité agraire. Un polyptyque (écriture historique commune du XVIIe au XIXe) ou polyptyque (écriture puriste, conforme à la racine latine) est ici un pouillé, un livre recueil de cens ou un livre inventaire décrivant les biens d'un domaine, d'un organisme de gestion comme une église ou une abbaye.Définition du TLF
  8. Cette interprétation fait référence à une association, à une jonction, à la façon d'un couplage explicite sous le joug.
  9. Ter in anno, id est, junio ut automno, et in vere, arabunt quinque juhert.... Proposons la traduction suivante : trois fois l'an, en juin jusqu'en automne et au printemps, ils laboureront (ou cultiveront) cinq jucherts (différents, soit quinze jugères pour toute l'année en trois étapes). Le verbe latin médiéval "arare" est au pluriel de l'indicatif futur. L'obligation contractuelle de mise en valeur est ici bien exprimée, mais la signification d'une mise en train ou manière d'agir régulière seraient peut-être aujourd'hui mieux traduite par le présent de l'indicatif français.

Bibliographie

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  • David (Jean-Michel), La république romaine, Point Seuil, 2000.
  • Du Cange, Glossaire de latin médiéval

Articles connexes

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Liens externes

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