Ethnofiction
L'ethnofiction se réfère spécifiquement à une docufiction ethnographique, un mélange de film documentaire et de fiction, dans le domaine de l’anthropologie visuelle. Il s’agit d’un film où, à travers l’imagination ou d'un récit fictionnel, souvent improvisant, les personnages, des natifs, jouent leurs propres rôles en tant que membres d’un groupe ethnique ou social.
S'inspirant et poursuivant[1] les réalisations de Robert Flaherty et Dziga Vertov, voire aussi d'Alexandre Medvedkine, Jean Rouch[2],[3],[4],[5],[6],[7]est considéré comme étant le père de l'ethnofiction. Ethnologue, tombé amoureux du cinéma, il a vite découvert que, intervenant forcément dans l’événement qu’elle enregistre (le rituel), la caméra devient participante. L’exigence dans la recherche d’une caméra non-participante, tel que Marcel Griaule défendait, est un préconçu que la pratique contredit[8],[9],[10],[11],[12],[13]. Poursuivant dans ses recherches et allant plus loin que ceux qui le précédent dans la pratique du film ethnographique, Rouch y introduit l’acteur. Un nouveau genre de cinéma était né[14],[15].
Quoique plutôt applicable pour référer des films du domaine de l’ethnographie en tant qu'anthropologie visuelle, le terme ethnofiction sert aussi pour désigner certains films documentaires artistiques avec une longue tradition, qui précèdent et poursuivent l’œuvre de Rouch. Le terme peut servir aussi bien, dans un sens plus générique, pour s’appliquer à n’importe quelle œuvre fictionnelle dans la communication humaine, art ou littérature, ayant un fond ethnographique ou social.
Réalisations portugaises
[modifier | modifier le code]Simultanément à celles de Jean Rouch ou de Robert Flaherty, à travers des représentations cinématographiques de dures réalités locales, le genre existe au Portugal depuis les années 1930. Il se développe ensuite, le thème du nord-est portugais se détache dans les films des années 1960, puis dans les années 1980 et suivantes[16], le thème africain surgit dans les films de Flora Gomes[17], Pedro Costa[18], ou Daniel E. Thorbecke, réalisateur allemand de Terra Longe (Terres Lointaines)[19], tourné au Cap Vert (Voir film).
Déclencher la fiction au cœur de l’ethnicité est une pratique courante dans les narratifs populaires au Portugal (dans la littérature orale). Ainsi, on comprendra pourquoi, dû à l’attraction traditionnelle par l’imagerie surréaliste et par la légende, certains films portugais se libèrent des prédicats réalistes et deviennent des fictions poétiques. Cette réalité est perceptible dans beaucoup de films, comme ceux de Manoel de Oliveira ou de João César Monteiro ou dans les hybrides de António Campos, António Reis et de Ricardo Costa[20],[21],[22]. Depuis les années 1960, l’ethnofiction (vie réelle et fiction à la une) devient un trait distinctif du cinéma portugais.
Chronologie
[modifier | modifier le code]- Ethnofictions
Années 1920
[modifier | modifier le code]- 1926 – Moana de Robert Flaherty, États-Unis
- 1929 - Finis terrae de Jean Epstein, France
Années 1930
[modifier | modifier le code]- 1930 – Maria do Mar (en) de José Leitão de Barros, Portugal
- 1931 - Mor'vran de Jean Epstein, France
- 1932 – L'Or des mers de Jean Epstein, France
- 1934 – L'Homme d'Aran de Robert Flaherty, GB
- 1936 – Tabu[23] de Friedrich Wilhelm Murnau et Robert Flaherty, EUA
Années 1940
[modifier | modifier le code]- 1942 – Ala-Arriba! de José Leitão de Barros, Portugal
- 1948 – Louisiana Story de Robert Flaherty, États-Unis
Années 1950
[modifier | modifier le code]- 1955 : Les Maîtres Fous de Jean Rouch, France
- 1958 : La pyramide humaine de Jean Rouch, France
Années 1960
[modifier | modifier le code]- 1960 – Moi, un Noir de Jean Rouch. France
- 1962 – L'Acte du Printemps (Acto da Primavera) de Manoel de Oliveira. Portugal
- 1963 – Pour la suite du monde (Of Whales, the Moon and Men) de Pierre Perrault et Michel Brault, Canada
- 1967 - Jaguar, de Jean Rouch, France
Années 1970
[modifier | modifier le code]- 1973 - Toumaï (série télévisée)
- 1976 – Gente da Praia da Vieira (Les Gens de Praia da Vieira) de António Campos, Portugal
- 1976 – Mau Tempo, Marés e Mudança (Mauvais Temps) de Ricardo Costa, Portugal
- 1976 – Trás-os-Montes (film) de António Reis et Margarida Cordeiro, Portugal
- 1979 – O Pão e o Vinho (Le Pain et le Vin) de Ricardo Costa, Portugal
Années 1980
[modifier | modifier le code]Années 2000
[modifier | modifier le code]- 2000 : Dans la chambre de Vanda (No Quarto da Vanda) de Pedro Costa, Portugal
- 2003 : Brumes (Brumas) de Ricardo Costa, Portugal
- 2003 : Terra Longe (Terres Lointaines) de Daniel E. Thorbecke, Portugal
- 2006 : Juventude em Marcha (Jeunesse en marche) de Pedro Costa, Portugal
- 2006 : Homo sapiens (téléfilm) de Jacques Malaterre
- 2007 : Transfiction de Johannes Sjöberg, Angleterre
- 2007 : Le Sacre de l'homme de Jacques Malaterre
Années 2010
[modifier | modifier le code]- 2010 : Ao, le dernier Néandertal, de Jacques Malaterre
- 2011 : Toomelah, de Ivan Sen
Références
[modifier | modifier le code]- Jean Rouch : L’ethno-fiction et le cinéma-vérité
- Father of 'cinema verite' dies – BBC news
- BIOGRAPHIES: Jean Rouch – Article de Ben Michaels (Indiana University
- A Tribute to Jean Rouch – Texte de Paul Stoller, Rouge
- Ethnographic Film (origines)
- Knowing Images: Jean Rouch’s Ethnography - Chapitre de la monographie Selfless Cinema?: Ethics and French Documentary de Sarah Cooper (Oxford: Legenda, 2006) sur MAITRES-FOUS.net
- Jean Rouch : L’ethno-fiction et le cinéma-vérité – article de Florence Windler, in Sociologie visuelle, 7 décembre 2012
- « La Mise en scène de la réalité », France Culture
- L'autre face du miroir (Jean Rouch et l'"autre") – Article de Ricardo Costa
- L'ETHNOFICTION A L'ŒUVRE Prisme et images de l'entité dogon – Article de Gaetano Ciarcia, Université Montpellier III
- « Marcel Griaule (1898 – 1956) »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?) (consulté le ) – Article de Sybil Amber
- From Pictorializing to Visual Anthropology1 – Chapitre de “Handbook of Methods in Cultural Anthropology”
- From Representation to Evocation: Tracing a Progression in Jean Rouch's Les Magiciens de Wanzerbé’’, Les Maîtres fous’’, et Jaguar – Article de Ted Nannicell, Taylor & Francis Group
- Jean Rouch and the genesis of ethnofiction – Thèse de Brian Quist, (Long Island University)
- Le cinéma de Jean Rouch à l'honneur à Quintessence sur Africiné
- Imagining Rurality: Portuguese Documentary and Ethnographic Film in the 1960s and 1990s – Résumé d’une conférence de Catarina Alves Costa au Comité du film ethnographique
- African Filmmaker Profiles: Flora Gomes (The Woyingi Blog)
- The Films of Pedro Costa (Distant Voices)
- Terra Longe ( South Planet)
- Things we see: Portuguese anthropology on material culture – Texte de Filomena Silvano sur Scielo
- Disquieting Objects - Article de Gabe Klinger ( The Museum of Moving Image)
- Ricardo Costa et les images qui coullent – Article de José de Matos-Cruz
- « Tabu » (présentation de l'œuvre), sur l'Internet Movie Database
Annexes
[modifier | modifier le code]Articles connexes
[modifier | modifier le code]- Anthropologie visuelle
- Ethnographie
- Cinéma direct
- Docufiction
- Films sur la préhistoire (en)
- Films sur l'Afrique subsaharienne précoloniale (en)
Liens externes
[modifier | modifier le code](fr)
- Le cinéma à la frontière du réel – article de Yann Kilborne,
- Jean Rouch : l’anthropologie autrement – article de Carmen Diop, 2007
- Du cinéma d’observation à l’observation participante – PowerPoint sur le site de l’Université de Genève
(en)
- From Representation to Evocation: Tracing a Progression in Jean Rouch's Les magiciens de Wanzerbe, Les maitres fous, and Jaguar – Texte de Ted Nannicelli (University of Waikato)
- Language description and “the new paradigm”: What linguists may learn from ethnocinematographers – Article de Gerrit J. Dimmendaal (univérsité de Cologne sur le site de L’Université de Hawai’I, à Manoa)
- Ethnofiction : drama as a creative research practice in ethnographic film at Mendley – Texte de A. Elizabeth Bloom, STATE UNIVERSITY OF NEW YORK AT BINGHAMTON, 2006
(fr) * Ethnoficition dans le programme du Festival international Jean Rouch (2011) au Musée de l'homme.