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Vies des hommes illustres/Publicola

La bibliothèque libre.
Traduction par Alexis Pierron.
Charpentier (1p. 225-252).


PUBLICOLA.


(Florissait vers la fin du VIe siècle avant J.-C.)

Voilà quel fut Solon. Nous l’allons mettre en parallèle avec Publicola, celui pour lequel le peuple romain imagina ce surnom d’honneur[1] et qui s’appelait auparavant Publius Valérius. On croit qu’il descendait de ce Valérius[2] qui fut, dans les temps antiques, le principal instrument de la réconciliation des Romains avec les Sabins, et de leur réunion en un seul peuple, puisque ce fut lui surtout qui détermina les deux rois à une conférence, et qui leur fit conclure la paix. Telle était, suivant la tradition, la famille de Valérius. Or, à l’époque où Rome était encore gouvernée par des rois, il s’y distinguait déjà par son éloquence et par ses richesses. Il usait de l’une droitement et franchement, pour la défense de la justice, et il employait l’autre à secourir libéralement et avec humanité ceux qui étaient dans le besoin : aussi voyait-on, dès ce temps-là, que, si le gouvernement devenait jamais démocratique, Valérius y tiendrait le premier rang.

Tarquin le Superbe n’avait point acquis la royauté par des voies honorables, mais en foulant aux pieds les lois divines et humaines ; et il exerçait l’autorité souveraine non avec la modération d’un roi, mais avec violence et en vrai tyran. Il devint odieux et insupportable au peuple ; et la mort de Lucrèce fut l’occasion d’un soulèvement universel. Lucrèce, violée, s’était tuée de sa propre main. Lucius Brutus conçut le dessein de changer la forme du gouvernement, et il s’en ouvrit d’abord à Valérius : il trouva en lui un ardent auxiliaire ; et, avec lui, il parvint à chasser les rois[3]. Tant qu’on put croire que les Romains nommeraient, à la place du roi, un général unique, Valérius s’abstint de toute démarche, estimant que le pouvoir revenait de droit à Brutus, comme premier auteur de la liberté. Mais le peuple ne pouvait plus souffrir le nom de monarchie, et semblait plus favorable à l’idée d’un partage de l’autorité souveraine : il demanda même qu’on nommât deux chefs. Valérius, dès ce moment, compta d’être associé à Brutus. Il se trompa cependant ; et Brutus, contre son propre gré, eut pour collègue, au lieu de Valérius, Tarquin Collatin, mari de Lucrèce. Ce n’est pas que Collatin eût plus de mérite que Valérius ; mais les principaux de la ville craignaient les menées des rois, qui mettaient tout en œuvre pour regagner le peuple : ils voulurent avoir pour chef leur ennemi le plus implacable, un homme que rien ne ferait fléchir.

Valérius, indigné qu’on ne le crût pas capable de tout faire pour sa patrie, parce qu’il n’avait éprouvé de la part des tyrans aucune injure personnelle, cessa d’aller au sénat, renonça aux plaidoyers, et se retira complètement des affaires de l’État. Le peuple en eut de l’inquiétude : on craignit que Valérius, dans son ressentiment, ne conspirât avec les rois, et qu’il ne renversât la république encore mal affermie. Mais quand Brutus, qui en soupçonnait d’autres encore que Valérius, eut proposé au sénat de jurer sur les sacrifices, et qu’il eut assigné un jour pour le serment, Valérius descendit au Forum, avec une visible satisfaction, et il jura le premier qu’il ne pardonnerait jamais ni ne céderait à Tarquin, mais qu’il le combattrait, au contraire, de toutes ses forces, pour la défense de la liberté. Conduite qui fit grand plaisir au sénat, et qui donna du courage aux consuls. Bientôt ses actions confirmèrent son serment. Il vint à Rome des envoyés de Tarquin, chargés de lettres toutes pleines de flatteries pour le peuple. Ils faisaient les propositions les plus soumises, les plus capables d’entraîner la multitude : le roi, disaient-ils, avait dépouillé toute fierté, et il n’avait que des prétentions modérées. Les consuls consentaient à les laisser parler au peuple ; mais Valérius s’y opposa, et fit sentir qu’il ne fallait pas donner à des hommes pauvres, et qui craignaient bien plus la guerre que la tyrannie, des occasions et des prétextes de bouleversement.

Peu de temps après, de nouveaux envoyés vinrent déclarer que Tarquin renonçait à la royauté, et qu’il cessait de faire la guerre aux Romains ; qu’il demandait seulement la restitution de son argent et de tous ses biens, à lui et à ses parents et amis, pour qu’ils eussent de quoi vivre dans leur exil. La plupart des sénateurs penchaient à le lui accorder ; Collatin surtout appuyait la demande. Mais Brutus, homme inflexible, et dont la colère ne savait rien ménager, courut à la place publique, appelant son collègue un traître, qui voulait fournir aux Tarquins les moyens de continuer la guerre et de relever la tyrannie, eux qui ne méritaient pas qu’on leur donnât seulement le nécessaire, pour subsister dans leur exil. Les citoyens s’assemblèrent ; et un simple particulier, Caius Minucius, prit le premier la parole. Il exhorta Brutus et les Romains à faire en sorte que ces biens leur servissent à combattre les tyrans, et non aux tyrans à les combattre eux-mêmes. Les Romains toutefois décidèrent que, puisqu’on jouissait de la liberté, pour laquelle on avait pris les armes, il ne fallait point faire de ces richesses un obstacle à la paix, mais les jeter hors de Rome avec les tyrans. Ces biens étaient, au fond, ce qui intéressait le moins Tarquin ; et la réclamation qu’il avait faite n’était qu’un moyen de sonder les dispositions du peuple, et de tramer une conspiration. En effet, c’était à une conspiration que travaillaient ses envoyés. Les biens du roi leur fournissaient un prétexte de prolonger leur séjour à Rome : tantôt c’était la vente de ceci ; tantôt la mise de cela en réserve ; tantôt ils s’occupaient de faire partir le reste. En un mot, ils eurent le temps de corrompre deux des premières familles de Rome, et qui jouissaient d’une grande estime : celle des Aquilius, qui avait trois sénateurs, et celle des Vitellius, qui en comptait deux. Ils étaient tous, par leur mère, neveux du consul Collatin ; et les Vitellius avaient, en outre, une alliance avec Brutus : Brutus était le mari de leur sœur, et il en avait eu plusieurs enfants[4].

Deux des fils de Brutus étaient des adolescents : les Vitellius, qui étaient leurs parents et leurs amis, les séduisirent ; et ils entrèrent dans la conjuration, attirés par l’appât d’une alliance avec les Tarquins, grande famille, où ils devaient trouver de royales satisfactions à leurs désirs, et où ils seraient délivrés de l’autorité d’un père dur et stupide. Ils appelaient dureté la rigueur inflexible avec laquelle il traitait les méchants : quant à sa stupidité, il l’avait longtemps feinte pour sa propre sûreté, et dans la vue de se préserver de la cruauté des tyrans ; et depuis lors il ne craignait pas même d’en porter le surnom[5]. Lorsque ces jeunes gens eurent été gagnés, et qu’ils furent entrés en conférence avec les Aquilius, les conspirateurs, pour se lier par un serment fort et terrible, burent le sang d’un homme qu’ils avaient immolé, et ils posèrent la main sur les entrailles[6]. Ils se réunirent pour cela dans la maison des Aquilius. La maison où allait se passer la scène était bien ce qu’il fallait, solitaire, obscure. Ils ne s’aperçurent pas qu’un esclave, nommé Vindicius, y était caché : non qu’il voulût les épier, ou qu’il eût quelque pressentiment de leur dessein ; mais il s’était trouvé par hasard dans la maison, et, les voyant entrer avec précipitation, il n’avait pas osé se montrer, et il s’était caché derrière un grand coffre. Il vit, de là, tout ce qu’ils firent, et il entendit tous leurs projets. La mort des consuls fut résolue dans l’assemblée ; et l’on écrivit à Tarquin des lettres qui l’instruisaient de tout le plan, et qu’on remit aux mains des envoyés ; car cette maison était précisément leur demeure : ils étaient les hôtes des Aquilius, et ils avaient assisté à la réunion.

Quand tout fut fini, et que les conjurés se furent retirés, Vindicius sortit secrètement de la maison, ne sachant quel usage il ferait de la découverte qu’il devait au hasard, et l’esprit en proie à la perplexité. Il voyait du danger, et il y en avait en effet, à dénoncer à Brutus l’affreux sacrilège de ses fils, et à Collatin celui de ses neveux. D’autre part, il ne croyait pas qu’il y eût, dans Rome, aucun particulier à qui l’on pût confier un pareil secret ; mais la chose dont il se sentait le moins capable, c’était de le garder. Enfin, pressé par sa conscience, il court chez Valérius. Ce qui décida surtout sa démarche, c’était la douceur et l’humanité de Valérius, l’accès facile qu’il donnait à tout le monde, et même aux plus humbles : on trouvait toujours sa maison ouverte ; et il ne dédaignait jamais de s’occuper des affaires des autres, ou de leurs besoins. Vindicius le vint donc trouver, et lui raconta, en présence de sa femme et de Marcus Valérius, son frère, tout ce qu’il avait vu et entendu. Valérius, saisi d’étonnement et d’épouvante, retient chez lui l’esclave, et l’enferme dans une chambre ; puis, laissant sa femme pour garder la porte de la maison, il charge son frère d’aller investir le palais du roi, de faire en sorte d’y surprendre les lettres, et d’y tenir sous bonne garde tous les domestiques. Lui-même, accompagné d’une foule de clients et d’amis qui ne le quittaient jamais, ainsi que de ses nombreux serviteurs, il se rend à la maison des Aquilius. Il ne les y rencontra pas ; et, comme personne ne l’attendait, il entra sans obstacle, et il trouva les lettres dans l’appartement des envoyés du roi[7]. Il était encore dans la maison, que les Aquilius accoururent. Il y eut un engagement à la porte ; et les Aquilius essayèrent de reprendre les lettres. Valérius et sa troupe leur opposent une vigoureuse défense ; ils leur entortillent leurs robes autour du cou, et ils les entraînent le long des rues, tour à tour poussant et repoussés, lentement, péniblement, jusqu’au Forum. Marcus Valérius n’avait pas été moins heureux au palais du roi : il s’était emparé d’autres lettres, qu’on emportait en même temps que le bagage ; et il traîna pareillement à la place tous les gens du roi qu’il avait pu arrêter.

Quand les consuls eurent apaisé le tumulte, Valérius fit amener de sa maison Vindicius, et le procès s’instruisit : on lut les lettres des conjurés, qui n’osèrent pas répliquer un seul mot. L’assemblée, les yeux baissés, gardait un profond silence ; quelques-uns, par égard pour Brutus, opinèrent à l’exil. Les larmes de Collatin et le silence de Valérius donnaient aux conjurés quelque espoir, lorsque Brutus, appelant par leur nom l’un et l’autre de ses fils : « Hé bien, Titus, dit-il ; hé bien, Valérius ! pourquoi ne répondez-vous pas à l’accusation ? » Sommés ainsi par trois fois, ils gardèrent le silence. Alors Brutus, se tournant vers les licteurs : « C’est vous, maintenant, dit-il, que regarde le reste. » Aussitôt les licteurs saisissent les deux jeunes hommes, leur arrachent leurs habits, leur lient les mains derrière le dos, et les déchirent à coups de verges. Aucun des spectateurs ne put soutenir la vue de cette exécution cruelle ; Brutus seul en eut le courage : on dit qu’il ne détourna pas un instant les yeux ; et nul mouvement de pitié ne vint adoucir la colère et la sévérité empreintes sur son visage. Brutus contempla d’un œil farouche le supplice de ses enfants, jusqu’à ce qu’on les eût étendus par terre, et que leurs têtes fussent tombées sous la hache. Alors il laissa à son collègue le châtiment des autres coupables, se leva de son siège, et se retira.

L’action de Brutus, selon qu’on l’envisage, ne peut être ni assez louée ni assez blâmée. Elle fut l’effet ou d’une vertu supérieure, qui l’éleva au-dessus des affections humaines, ou d’une passion outrée, qu’il poussa jusqu’à l’insensibilité ; deux dispositions extraordinaires, et qui ne sont pas dans la nature de l’homme : la première est d’un dieu, et l’autre d’une bête féroce. Au reste, il est plus juste de régler notre jugement sur la gloire de Brutus, que de nous mettre, parce que nous sommes faibles, à douter de sa vertu ; car les Romains sont persuadés que Romulus eut moins à faire, pour fonder Rome, que Brutus pour conquérir la liberté, et pour l’affermir sur sa base.

Après qu’il se fut retiré, l’étonnement et l’horreur tinrent longtemps l’assemblée dans un morne silence. Mais les Aquilius, encouragés par la mollesse et la lenteur de Collatin, demandèrent du temps pour préparer leur défense, et qu’on leur livrât Vindicius, leur esclave, qu’on ne le laissât pas aux mains des accusateurs[8]. Collatin se prêtait à leur demande : il allait même renvoyer l’assemblée ; mais Valérius déclara qu’il ne rendrait pas Vindicius, qui était mêlé parmi les gens de sa suite, et qu’il ne souffrirait pas que le peuple, en se retirant, laissât échapper des traîtres. Il met lui-même la main sur eux ; il appelle Brutus à son aide ; il se récrie sur l’indignité de la conduite de Collatin. Quand son collègue vient d’être mis dans la nécessité de faire périr ses propres enfants, Collatin, pour complaire à des femmes, oserait sauver des traîtres, des ennemis de la patrie ! À la fin, le consul, lassé de cette résistance, ordonne aux licteurs de se saisir de Vindicius. Les licteurs écartent la foule, mettent la main sur Vindicius, et frappent ceux qui veulent le leur arracher ; mais les amis de Valérius prennent la défense de l’esclave, et le peuple invoque à grands cris la présence de Brutus. Brutus revient sur la place. À son arrivée, il se fait un grand silence : « J’ai suffi, dit-il, pour juger mes fils ; mais j’ai laissé les autres conjurés au jugement du peuple : c’est à lui de prononcer. Chacun peut parler, et proposer ce qu’il voudra. » Il ne fut pas besoin d’autres discours : on alla aux voix ; et les accusés, condamnés à l’unanimité des suffrages, eurent la tête tranchée.

Collatin était déjà suspect, à cause de sa parenté avec les rois ; et son nom de famille était devenu odieux, à cause de l’horreur qu’inspirait Tarquin. Quand il vit ce qui se passait, et que le peuple était indigné contre lui, il se démit du consulat, et il s’éloigna de Rome. On tint les comices pour une nouvelle élection, et Valérius fut, tout d’une voix, proclamé consul : récompense bien due à son zèle. Il crut juste de la faire partager à Vindicius. Il l’affranchit, et il lui fit donner, par un décret du peuple, la qualité de citoyen, avec le droit de suffrage dans celle des tribus qu’il voudrait choisir. C’était le premier affranchi qui eût jamais joui d’une telle faveur ; et ce fut bien longtemps plus tard qu’Appius, pour gagner les bonnes grâces de la multitude, donna généralement à tous les affranchis le droit de suffrage. L’affranchissement complet s’appelle, encore aujourd’hui, vindicte du nom de ce Vindicius[9].

Les biens des rois furent livrés au pillage, et leur palais rasé, ainsi que leur maison des champs. Les Tarquins possédaient la portion la plus agréable du Champ-de-Mars : on la consacra, elle aussi, à cette divinité. La moisson venait d’y être faite, et les gerbes étaient encore sur place. On crut qu’il n’était pas permis, à cause de la consécration, de moudre le grain, ni d’en tirer profit ; et la foule se mit à jeter les gerbes dans le Tibre, ainsi que les arbres, qu’on avait coupés, afin de laisser au dieu le terrain parfaitement nu et inculte. Le courant poussait ces matières, et les amoncelait les unes sur les autres ; mais elles ne furent pas portées bien loin. Les premières, arrêtées dans des bas-fonds, retinrent celles qui survenaient : tout s’accrocha et se lia si bien, qu’il se forma une masse solide, et qui prit racine. Cette masse s’accrut, s’affermit, par la grande quantité de limon qu’y apportait le courant ; et les vagues, en la battant, loin d’en rien détacher, ne faisaient, au contraire, que la presser, la serrer doucement, et la condenser de jour en jour davantage. Cet amas gagna sans cesse en étendue et en solidité ; et il se grossit de tous les corps étrangers que le Tibre roulait avec ses flots. C’est aujourd’hui, dans Rome, une île sacrée, où l’on voit des temples élevés en l’honneur de différentes divinités, et des promenades : son nom latin signifie Entre-deux-Ponts[10]. Suivant d’autres récits, ce ne fut pas lors de la consécration du champ de Tarquin que cette île se forma, mais longtemps après, quand Tarquinia consacra au dieu Mars un autre champ, mais contigu à celui de Tarquin. Tarquinia était une des Vestales. Sa générosité lui valut de grands honneurs, entre autres celui de rendre témoignage en justice, droit dont ne jouit jamais aucune autre femme. On lui donna aussi la permission de se marier ; mais elle n’en profita pas. Voilà le fait, d’après cette autre tradition.

Tarquin, désespérant de recouvrer sa puissance par les conspirations, eut recours aux Étrusques, qui embrassèrent chaudement ses intérêts, et qui le ramenèrent vers Rome avec une nombreuse armée. Les consuls sortirent à leur rencontre, à la tête des Romains ; et les deux armées se mirent en bataille dans des lieux sacrés, dont l’un s’appelait le bocage d’Arsia, et l’autre le pré Ésuvien. Le combat s’engageait à peine, qu’Aruns, fils de Tarquin, et le consul romain Brutus, se rencontrèrent, non par hasard, mais conduits par la haine et le ressentiment : l’un cherchait le tyran et l’ennemi de sa patrie ; et l’autre voulait se venger de son exil. Ils poussèrent leurs chevaux l’un contre l’autre, avec plus de fureur que de précaution, et ne songeant pas même à se couvrir : aussi restèrent-ils tous deux sur la place. Le combat qui suivit ce prélude n’eut pas des résultats moins sanglants : le carnage fut horrible des deux côtés, et un violent orage put seul séparer les deux armées. Valérius était dans une grande perplexité : il ne savait à qui la victoire était restée ; il voyait ses soldats à la fois découragés de leurs pertes et satisfaits de celles des ennemis, tant le nombre des morts était immense, et le désastre égal de part et d’autre ! Seulement, chaque parti, bien assuré de ce qu’il avait perdu, et ne connaissant que par conjecture la perte de l’ennemi, se croyait plutôt vaincu que victorieux. La nuit survint ; et il est aisé d’imaginer dans quel état ils la passèrent, après un combat si terrible. Le silence régnait dans les deux camps ; mais le bois sacré s’agita, dit-on, et il en sortit une grande voix, qui annonçait que les Étrusques avaient perdu un homme de plus que les Romains. C’était sans doute la voix d’une divinité ; car les Romains reprirent soudain courage, et ils firent retentir leur camp de cris de joie ; tandis que les Étrusques, saisis de frayeur et de trouble, abandonnèrent le leur, et se dispersèrent presque tous çà et là. Il ne resta qu’environ cinq mille hommes, pour résister à l’attaque des Romains : ils furent tous faits prisonniers, et leur camp livré au pillage. Les Romains comptèrent ensuite les morts : il s’en trouva onze mille trois cents du côté des Étrusques, et un de moins du côté des Romains.

On dit que cette bataille fut donnée la veille des calendes de Mars[11]. Valérius obtint le triomphe, et il fut le premier des consuls qui entra dans Rome sur un char à quatre chevaux. Les spectateurs admirèrent cette pompe et cette majesté, mais sans nul sentiment d’envie ni de mécontentement, quoi qu’en aient dit certains auteurs : sinon, le triomphe n’eût pas été, depuis, l’objet d’une si vive émulation ; et l’usage ne s’en serait pas maintenu durant tant d’années.

On sut gré à Valérius des honneurs qu’il rendit à son collègue pendant et après les obsèques. Il prononça son oraison funèbre. Ce discours fut agréable au peuple, et cette innovation prit faveur : aussi tous les personnages distingués par leurs vertus et leurs talents sont-ils, après leur mort, publiquement loués par les plus gens de bien. On dit cette oraison funèbre antérieure à toutes celles qui ont été faites en Grèce ; mais c’est à Solon peut-être, comme le veut l’orateur Anaximène[12], qu’il faut rapporter l’origine de cet usage d’honorer les morts.

Mais bientôt la conduite de Valérius commença à déplaire, et à devenir suspecte. Brutus, que le peuple regardait comme le père de la liberté, n’avait pas voulu gouverner seul, et il s’était donné deux fois un collègue. « Pour Valérius, disait-on, il s’attribue à lui seul toute l’autorité. Il n’est pas l’héritier du consulat de Brutus, c’est trop peu pour lui, mais de la tyrannie de Tarquin. Qu’avons-nous besoin qu’il loue Brutus en paroles, si, de fait, il imite Tarquin ? Il marche seul entouré de tous les faisceaux et de toutes les haches, quand il sort de sa maison ; et cette maison est plus magnifique que ne le fut jamais celle du roi, qu’il a lui-même démolie ? » Et véritablement, il habitait une maison trop splendide. Située sur le mont appelé Vélia, elle dominait le Forum : de cette hauteur, rien ne bornait la vue ; la montée était d’ailleurs d’un accès difficile. Quand Valérius descendait avec son cortége, sa marche avait quelque chose de pompeux, et qui sentait le faste d’un roi. Il fit voir combien il est heureux pour les hommes en place, et chargés d’affaires importantes, d’avoir l’oreille ouverte au langage de la franchise et de la vérité, plutôt qu’aux discours des flatteurs. Averti, par les rapports de ses amis, du mécontentement du peuple, au lieu de disputer et de s’emporter, il assemble, avant même qu’il fît jour, un grand nombre d’ouvriers, démolit sa maison, et la fait raser jusqu’aux fondements. Quand le jour eut paru, et que les Romains virent ce spectacle, ce fut un éloge, une admiration unanime pour la grandeur d’âme de Valérius ; mais ils regrettèrent la maison, et ils furent fâchés que l’envie eût détruit tant de grandeurs et de magnificence : on eût dit la mort d’un homme injustement condamné. Ils avaient honte aussi que le consul logeât, comme un homme sans feu ni lieu, dans une maison d’emprunt ; car Valérius fut recueilli chez ses amis, et il y demeura jusqu’à ce que le peuple lui eût donné un emplacement, sur lequel il fit bâtir une maison plus modeste que la première : c’était dans le lieu où est maintenant le temple de Vica-Pota[13].

Ce ne fut pas seulement sa personne, que Valérius voulut rendre agréable et douce au peuple, mais bien aussi l’autorité du consulat, jusqu’alors si redoutée. Il ôta donc les haches des faisceaux ; et, lorsqu’il allait à l’assemblée, il faisait baisser et incliner les faisceaux mêmes, devant le peuple, reconnaissant ainsi et honorant la souveraineté populaire. C’est un usage que les consuls observent encore aujourd’hui. La multitude ne s’aperçut pas que Valérius, par cette modération, loin de s’humilier, comme on le croyait, se mettait à l’abri de l’envie, et qu’il gagnait autant en autorité personnelle qu’il semblait perdre du côté des prérogatives du pouvoir. En effet, le peuple se soumettait à lui avec plaisir, et recevait ses ordres sans murmure. On lui donna même le nom de Publicola, c’est-à-dire qui honore le peuple : titre qui prévalut sur les noms qu’il portait auparavant ; et c’est ainsi que nous l’appellerons toujours dans la suite du récit de sa vie. Il permit à tout le monde de se présenter pour le consulat vacant ; mais, avant qu’on lui donnât un collègue, ne sachant pas quel choix on ferait, et craignant que le nouveau consul, ou par jalousie ou par ignorance, ne mît obstacle à ses desseins, il employa l’autorité absolue dont il jouissait encore à l’accomplissement de ses projets les plus beaux et les plus utiles. Il commença par compléter le sénat, réduit à un très-petit nombre de membres : beaucoup étaient morts victimes de Tarquin, il y avait déjà quelque temps ; et beaucoup avaient succombé naguère dans la bataille. Aux sénateurs qui restaient, il en ajouta, dit-on, cent soixante-quatre autres. Ensuite il fit plusieurs lois qui donnèrent plus de force encore à la puissance populaire : ainsi la loi qui permit d’en appeler au peuple des jugements rendus par les consuls ; puis la loi qui prononçait la peine de mort contre ceux qui entreraient dans des charges sans y avoir été nommés par le peuple. Une troisième loi fut d’un grand soulagement pour les pauvres : c’est celle qui déchargea les citoyens de tout impôt, et qui donna à tout le monde un goût plus vif pour l’exercice des arts et des métiers.

La loi qu’il porta contre ceux qui n’obéiraient pas aux consuls ne parut pas moins populaire ; et on la trouva plus favorable aux faibles qu’aux puissants. La désobéissance fut punie d’une amende de cinq bœufs et de deux moutons ; or, le prix d’un mouton était de dix oboles[14], et celui d’un bœuf de cent[15]. Les Romains n’avaient pas encore, en ce temps-là, beaucoup d’argent monnayé ; mais ils étaient riches en troupeaux de gros et de menu bétail. De là vient que, même aujourd’hui, le bien que chacun possède s’appelle peculium, du mot qui signifie brebis[16] ; et que leurs plus anciennes monnaies portent l’empreinte d’un bœuf, d’une brebis, ou d’un cochon. Ils donnaient même à leurs enfants les noms de Suillus, Bubulcus, Caprarius, Porcius ; car, chez eux, la chèvre se dit capra, et le cochon porcus.

C’étaient là des lois toutes populaires, et pleines de modération ; il n’en mit pas moins quelquefois une rigueur outrée dans la répression du crime. Il fit une loi qui permettait de tuer, sans aucune formalité juridique, tout homme qui aspirait à la tyrannie. Elle assurait l’impunité à l’auteur du meurtre, pourvu qu’il donnât des preuves de la trahison. Il est impossible, pensait-il, que celui qui médite une telle entreprise la cache à tout le monde ; et il peut arriver aussi que, tout en ayant été découvert, il usurpe le pouvoir avant qu’on ait pu le traduire en justice. Voilà pourquoi Publicola autorisa tout citoyen à prévenir, par la mort du coupable, un jugement que la perpétration du crime aurait empêché.

Sa loi sur les questeurs fut aussi fort approuvée. Comme les citoyens étaient obligés de contribuer de leurs biens aux frais de la guerre[17], et qu’il ne voulait ni toucher par lui-même à cet argent, ni le confier à ses amis, ni, encore moins, mettre les richesses de l’État dans une maison particulière, il désigna, pour servir de trésor, le temple de Saturne, encore aujourd’hui affecté à cet usage, et il laissa au peuple le choix de deux questeurs, à prendre parmi les jeunes gens. Les premiers qu’on nomma furent Publius Véturius et Marcus Minucius. On recueillit des contributions considérables ; car le recensement donna cent trente mille citoyens, sans compter les orphelins et les veuves, qu’on exempta de toutes charges. Après ces règlements, Publicola prit pour collègue Lucrétius, père de Lucrèce, et il lui céda le premier rang, par égard pour son âge, et lui laissa les faisceaux : honneur qu’on a toujours depuis déféré à la vieillesse. Lucrétius mourut peu de jours après ; et le peuple, dans de nouveaux comices, élut, à sa place, Marcus Horatius, qui fut collègue de Publicola pendant le reste de l’année.

Tandis que Tarquin préparait, en Étrurie, une seconde guerre contre les Romains, il arriva, dit-on, un prodige singulier. Tarquin avait fait bâtir, pendant son règne, un temple à Jupiter dans le Capitole. Ce temple étant près d’être achevé, il résolut, soit d’après un oracle, soit de son propre mouvement, de faire placer sur le faîte un char de terre cuite, dont il confia l’exécution à des artistes étrusques de Véies[18]. Peu de temps après, la royauté fut renversée. Quand le quadrige fut façonné, les Étrusques le mirent au four ; mais, au lieu de se serrer et de se condenser, par l’évaporation de l’humidité, comme il arrive à la terre qu’on met au feu, il s’étendit, s’enfla, et il forma une masse considérable, si forte et si dure, qu’il souleva la voûte et démolit les murailles du four, et qu’on eut bien de la peine à le retirer. Les devins déclarèrent que c’était un présage de bonheur et de puissance, pour le peuple à qui resterait le quadrige. Les Véiens prirent le parti de ne le pas donner aux Romains, qui le réclamaient. Le char, répondirent-ils, appartenait à Tarquin, et non pas à ceux qui avaient chassé Tarquin. À quelques jours de là, il y eut, à Véies, des courses de chars, avec la pompe et la magnificence accoutumées. Le vainqueur, qu’on venait de couronner, conduisait le sien au petit pas, pour sortir de la carrière. Ses chevaux prennent l’épouvante, sans aucune cause visible ; et, par une impulsion divine, ou par un pur hasard, ils courent à toute bride vers Rome, entraînant avec eux leur conducteur. C’est en vain que celui-ci, de la main, de la voix, fait ce qu’il peut pour les retenir : il finit par les abandonner à leur impétuosité. Il est emporté jusqu’au pied du Capitole, où les chevaux le renversent, près de la porte qu’on appelle aujourd’hui Ratumène[19]. Les Véiens, surpris et effrayés de cet événement, permirent aux ouvriers de rendre le char de terre cuite. C’est pendant une guerre avec les Sabins, que Tarquin l’Ancien, fils de Démarate, avait fait vœu d’élever le temple de Jupiter Capitolin : Tarquin le Superbe, son fils ou son petit-fils[20], accomplit la promesse ; mais celui-ci ne put dédier le temple, car il fut chassé quelque temps avant son achèvement. Quand l’édifice fut terminé, et décoré avec la magnificence convenable, Publicola se montra jaloux d’en faire la consécration ; mais plusieurs des principaux de Rome lui envièrent cette prérogative. Ils avaient souffert sans trop de chagrin la gloire qu’il s’était justement acquise par ses lois et ses victoires ; mais, ne croyant pas qu’il eût droit à ce nouvel honneur, ils engagèrent, ils excitèrent Horatius, à revendiquer pour lui-même la consécration. Or, il survint une guerre, qui obligea Publicola à sortir de Rome. Ses envieux firent alors charger Horatius de la dédicace du temple, et ils le conduisirent au Capitole ; car ils désespéraient de l’emporter, Publicola présent. D’autres disent que les consuls tirèrent les lots au sort, et que le commandement de l’armée échut à Publicola, et la consécration du temple à Horatius. On peut cependant conjecturer la vérité, d’après ce qui arriva lors de la cérémonie. Le jour des ides de septembre[21], qui répond précisément à la pleine lune de Métagitnion, le peuple était assemblé au Capitole ; l’assemblée était dans un profond silence, et Horatius, après avoir fait les autres cérémonies, tenait déjà, suivant l’usage, une des portes du temple, et il allait prononcer la prière solennelle de la consécration. Alors le frère de Publicola, Marcus, depuis longtemps debout près de la porte du temple, et qui attendait le moment, lui dit : « Consul, ton fils est mort de maladie dans le camp. » La nouvelle affligea tous les assistants ; mais Horatius, sans se troubler, se contenta de répondre : « Jetez le corps où vous voudrez ; pour moi, je ne prends pas le deuil. » Et il acheva la consécration. Or, c’était une fausse nouvelle ; et Marcus l’avait imaginée pour écarter Horatius. Horatius montra, dans cette occasion, une fermeté admirable, soit qu’il eût reconnu à temps la ruse de Valérius, soit qu’il crût la nouvelle véritable, mais ne s’en fût pas autrement ému.

Même chose à peu près arriva pour la dédicace du second temple. Le premier, bâti, comme on vient de le dire, par Tarquin, et dédié par Horatius, avait été brûlé pendant les guerres civiles. Sylla le rebâtit ; mais ce fut Catulus qui le consacra[22], parce que Sylla fut prévenu par la mort. Ce nouveau temple fut renversé dans les séditions qui eurent lieu sous Vitellius. Vespasien le rebâtit encore ; et son bonheur accoutumé ne lui faillit point dans cette entreprise : il mit la dernière main à l’édifice, et il ne fut pas témoin de l’accident qui le détruisit. Plus favorisé du sort que Sylla, qui mourut sans avoir pu consacrer le temple qu’il avait bâti, Vespasien mourut avant de voir brûler le sien, dans l’incendie qui consuma le Capitole peu de temps après sa mort. Le quatrième temple, celui d’aujourd’hui, fut bâti en entier et consacré par Domitien[23].

On dit que Tarquin avait dépensé, pour les fondements seuls du temple, quarante mille livres pesant d’argent. Quant au temple actuel, tous les biens du plus riche particulier de Rome ne suffiraient pas pour en payer la seule dorure : elle a coûté plus de douze mille talents[24]. Les colonnes en avaient été taillées dans les carrières de Pentèle[25] et il y avait, entre leur hauteur et leur diamètre, une harmonie parfaite, quand je les vis à Athènes ; mais, à Rome, on les a retaillées et polies ; travail qui leur a moins donné de grâce qu’il ne leur a ôté de leur proportion ; car, en les effilant trop, on leur a fait perdre toute leur beauté. Quand on vient d’admirer la magnificence du Capitole, il suffit de voir une seule des galeries ou des salles du palais de Domitien, ses bains, ou les appartements de ses concubines, pour se rappeler ce mot d’Épicharme au prodigue :

Tu n’es pas bienfaisant, tu es malade : donner est ton plaisir ;


et l’on voudrait pouvoir dire de même à Domitien : « Tu n’es ni pieux ni magnifique ; tu as une maladie, c’est d’aimer à bâtir. Comme ce fameux Midas, tu voudrais que, dans tes mains, tout devint or et marbre. » Mais en voilà assez sur ce point.

Tarquin, après la grande bataille où Aruns son fils avait péri dans un combat singulier contre Brutus, se réfugia à Clusium[26], auprès de Lars Porsena[27] le plus puissant des rois d’Italie, et qui passait pour un homme bon et généreux. Porsena lui promit du secours, et commença par envoyer sommer les Romains de recevoir Tarquin. Sur leur refus, il leur déclara la guerre, leur dit dans quel temps il partirait, et quels lieux il attaquerait les premiers ; puis il marcha sur Rome, avec une nombreuse armée. Publicola, quoique absent, fut nommé consul pour la seconde fois, et, avec lui, Titus Lucrétius. Il revint à Rome, et il voulut d’abord dépasser toute l’audace de Porsena : il bâtit Sigliura[28] dans le temps que Porsena s’approchait ; et, après l’avoir fortifiée à grands frais, il y envoya une colonie de sept cents Romains. C’était montrer à Porsena qu’il n’était pas inquiet de cette guerre, et qu’il s’en moquait. Cependant Porsena donna l’assaut aux murs de Rome, et il poussa si vivement les gardes avancées, qu’il les obligea de prendre la fuite. Les ennemis se précipitaient pêle-mêle dans la ville avec les fuyards. Mais Publicola s’avança devant les portes, pour les repousser. Il engagea le combat près du Tibre, avec des ennemis supérieurs en nombre, et il soutint vaillamment leurs efforts, jusqu’à ce qu’étant couvert d’héroïques blessures, il fût emporté hors du champ de bataille. Son collègue, Lucrétius, fut blessé comme lui ; et les Romains, découragés, se sauvaient du côté de la ville. Les ennemis s’élançaient à leur poursuite sur le pont de bois ; et ils étaient au moment d’emporter la ville d’emblée, si Horatius Coclès, et, avec lui, deux hommes des plus nobles de la ville, Herminius et Lartius, ne les eussent arrêtés à la tête du pont. Horatius avait été surnommé Coclès, parce qu’il avait perdu un œil à la guerre, ou bien encore, selon d’autres, parce qu’il avait le nez camus, et tellement enfoncé, que la séparation des yeux était nulle, et que ses deux sourcils se confondaient. Le peuple avait voulu l’appeler Cyclope ; mais, par un défaut de prononciation, on lui avait donné le nom de Coclès, qui lui resta[29]. Placé en tête du pont, Coclès soutint l’effort des ennemis, jusqu’à ce que ses compagnons eussent coupé le pont par derrière. Alors il se jeta tout armé dans le Tibre, et il parvint à gagner l’autre rive à la nage, quoiqu’il eût la cuisse percée d’un javelot étrusque. Publicola, rempli d’admiration pour sa valeur, proposa que tous les Romains contribuassent, en sa faveur, d’une somme égale à la dépense que chacun d’eux faisait en un jour pour sa nourriture, et qu’on lui donnât autant de terre qu’il en pourrait enfermer, en une journée, dans un sillon qu’il tracerait lui-même. Ce ne fut pas tout : on érigea à Coclès une statue de bronze dans le temple de Vulcain, pour le consoler, par cette marque d’honneur, de ce qu’il était resté boiteux de sa blessure.

Cependant Porsena pressait la ville ; et les Romains commençaient à sentir la famine, lorsqu’une nouvelle armée étrusque envahit encore le territoire. Publicola, consul pour la troisième fois, résolut de se borner, contre Porsena, à bien garder la ville, sans risquer de bataille. Quant aux Étrusques qui ravageaient la campagne, il fit contre eux une sortie secrète, les mit en déroute, et leur tua cinq mille hommes.

On a raconté souvent, et de diverses manières, l’action de Mucius : nous en ferons aussi l’histoire, d’après la tradition la plus vraisemblable. C’était un homme doué de toutes les vertus ; et sa valeur militaire était à toute épreuve. Ayant formé le dessein de tuer Porsena, il prend l’habit étrusque, pénètre dans le camp des ennemis, dont il savait la langue, et il fait le tour du tribunal où le roi était assis. Mais, comme il ne le connaissait pas personnellement, et qu’il craignait de se découvrir en demandant où était Porsena, il tue, d’un coup d’épée, un des assesseurs du roi, qu’il avait pris pour Porsena lui-même. À l’instant, on l’arrête et on l’interroge. Il y avait, près du tribunal, un brasier ardent, qu’on venait d’apporter, pour un sacrifice qu’allait faire Porsena. Mucius mit la main droite sur le feu ; et, pendant que sa chair brûlait, il regardait Porsena d’un visage ferme et d’un œil menaçant. Porsena, frappé d’admiration, le laissa aller, et lui tendit son épée du haut du tribunal. Mucius la reçut de sa main gauche : c’est de là, dit-on, qu’il fut surnommé Scévola, c’est-à-dire gaucher. « J’ai bravé tes menaces, dit-il à Porsena en prenant son épée ; mais je suis vaincu par ta générosité. Je vais te faire, par reconnaissance, un aveu que la violence n’aurait jamais pu m’arracher. Trois cents Romains ont conçu la même pensée que moi ; et ils errent dans ton camp, épiant le moment favorable. Pour moi, désigné par le sort pour tenter le premier l’entreprise, je ne me plains pas de la Fortune, parce que j’ai failli à tuer un homme de bien, et plus fait pour être l’ami des Romains que leur ennemi. » Porsena ne douta point de la vérité de ce qu’il lui disait, et il se prêta plus volontiers à un accommodement, bien moins encore, à mon avis, par la crainte des trois cents conjurés, que par l’estime et l’admiration que lui inspirèrent le courage et la vertu des Romains[30]. On s’accorde à donner à ce héros les noms de Mucius Scévola ; mais Athénodore, fils de Sandon[31], dans son livre à Octavie, sœur d’Auguste, dit qu’il s’appelait aussi Opsigonus[32].

Publicola, persuadé que Rome avait moins à redouter de l’hostilité de Porsena, qu’elle n’avait à gagner à son amitié et à son alliance, ne refusait pas de le prendre pour juge, entre Tarquin et les Romains : ce parti lui souriait même ; et plus d’une fois il provoqua Tarquin à venir défendre sa cause devant Porsena, s’engageant à le convaincre qu’il était le plus méchant des hommes, et qu’il avait mérité d’être dépouillé de la royauté. Tarquin répondit fièrement qu’il n’accepterait personne pour juge, et Porsena moins que tout autre, si Porsena l’abandonnait et manquait à ses engagements. Cette réponse déplut à Porsena, et l’indisposa contre Tarquin. Sollicité d’ailleurs par son fils Aruns, qui était tout dévoué aux Romains, il offrit la paix, à condition qu’on lui rendrait, avec les prisonniers, les terres enlevées à l’Étrurie, en échange des transfuges romains. Les Romains y consentirent, et ils donnèrent pour otages dix jeunes gens de famille patricienne, et autant de jeunes filles, du nombre desquelles était Valéria, fille de Publicola.

L’accord était fait, et Porsena, sur la foi du traité, avait déjà renvoyé la plus grande partie de son armée, lorsque les jeunes Romaines descendirent vers le fleuve, pour s’y baigner, dans un endroit où le rivage se courbe en forme de croissant, et où les eaux du fleuve sont toujours calmes et tranquilles. Là, quand elles virent qu’elles étaient sans gardes, et qu’il n’y avait ni passants sur la rive, ni bateaux traversant le fleuve, elles prirent tout à coup la résolution de passer l’eau à la nage, malgré la profondeur et la rapidité du courant. Il y en a qui disent qu’une d’entre elles, nommée Clélie, était montée sur un cheval, et que, dans la traversée, elle exhortait et encourageait ses compagnes. Arrivées heureusement à l’autre bord, elles vont trouver Publicola. Au lieu d’admirer, et de montrer qu’il les approuvait, Publicola leur témoigna son mécontentement. Il craignait qu’on ne le soupçonnât d’être moins fidèle que Porsena à ses engagements, et que l’audace de ces jeunes filles ne fût regardée comme une fraude des Romains. Il les fait reprendre, et il les renvoie à Porsena. Tarquin, averti de leur retour, se met en embuscade ; et, avec une troupe supérieure en nombre, il attaque, au passage de la rivière, l’escorte des jeunes filles. Les Romains se défendirent vigoureusement. Mais Valéria, fille de Publicola, poussa son cheval au milieu des combattants ; et trois de ses serviteurs, qui s’étaient échappés avec elle, l’accompagnèrent jusqu’au camp de Porsena. Les autres soutenaient toujours le combat ; et ils étaient près de fléchir, lorsque Aruns, fils de Porsena, instruit de leur danger, vole à leur secours, met en fuite les ennemis, et dégage les Romains.

Dès que les jeunes filles reparurent devant Porsena, il s’enquit de celle qui avait donné l’exemple et excité les autres à la suivre. On lui nomma Clélie. Il jeta sur elle un regard doux et serein ; et, ayant fait amener un de ses chevaux royaux, couvert d’un riche harnais, il lui en fit présent. C’est là une preuve que font valoir ceux qui veulent que Clélie seule ait passé le Tibre à cheval. D’autres disent que le roi d’Étrurie voulut simplement, par là, honorer son audace toute virile. Il y a une statue équestre de Clélie dans la rue Sacrée, du côté qui mène au mont Palatin. Toutefois cette statue, suivant quelques-uns, n’est pas celle de Clélie, mais de Valéria. Porsena, la paix conclue, donna aux Romains des preuves éclatantes de sa générosité et de sa magnificence : il alla jusqu’à défendre à ses troupes d’emporter autre chose que leurs armes, et il abandonna aux Romains toutes les provisions, toutes les richesses qui étaient dans son camp. Aussi, de nos jours encore, lorsqu’on vend, à Rome, des biens qui appartiennent à l’État, on commence la criée par ces mots : Biens de Porsena ! honneur qui consacre, par une reconnaissance éternelle, la libéralité de ce roi. On lui érigea aussi, non loin de la salle du sénat, une statue de bronze. Elle est grossièrement travaillée, et d’un style antique[33].

Peu de temps après, les Sabins entrèrent en armes sur le territoire de Rome. On nomma consuls Marcus Valérius, frère de Publicola, et Postumius Tubertus ; et, comme rien d’important ne se faisait que par le conseil et sous les yeux de Publicola, Marcus remporta deux grandes victoires. Dans la dernière, il ne perdit pas un seul homme, et il tua treize mille ennemis[34]. On ne se borna point, pour l’en récompenser, à lui décerner les honneurs du triomphe : on lui bâtit, aux dépens du trésor, une maison sur le mont Palatin. Cette maison avait cela de particulier, qu’au lieu que les portes des autres maisons s’ouvraient alors en dedans, les siennes s’ouvraient sur la rue : distinction qui marquait à chaque instant que le public eût voulu la maison plus grande encore. On dit qu’en Grèce, toutes les maisons s’ouvraient ainsi jadis ; et on le conjecture d’après les comédies, où ceux qui veulent sortir frappent en dedans leur porte, et la font bruire, afin que les passants, ou les personnes qui pourraient être arrêtées devant la maison, soient avertis au dehors, et qu’ils tirent de côté avant que les battants s’avancent sur la rue.

L’année suivante, Publicola fut nommé consul pour la quatrième fois. Les Sabins s’étaient unis avec les Latins, et Rome s’attendait à une nouvelle guerre. D’ailleurs, une frayeur superstitieuse avait saisi toute la ville : les femmes enceintes ne mettaient plus au monde que des enfants mal conformés, et pas un ne venait à terme. Publicola, après avoir consulté les livres sibyllins, fit des sacrifices pour apaiser Pluton ; il rétablit certains jeux, anciennement institués par l’ordre d’Apollon ; il remit la joie dans Rome, en ranimant la confiance en la protection des dieux ; puis il s’occupa des dangers dont on était menacé du côté des hommes, car la ligue qui se formait était vraiment redoutable, et les ennemis faisaient d’immenses préparatifs.

Il y avait, parmi les Sabins, un citoyen opulent, nommé Appius Clausus[35], homme d’une force extraordinaire, et le premier de sa nation par son mérite éclatant et par son éloquence. Il n’évita pas le sort commun à tous les grands hommes, et il devint un objet d’envie. En voulant empêcher la guerre, il fournit à ses envieux un prétexte d’accusation. Il cherchait, disait-on, à accroître la puissance des Romains, pour se rendre le tyran de sa patrie, et pour la réduire en servitude. Le peuple prêtait l’oreille à ces calomnies, et Appius se voyait d’ailleurs en butte à la haine des ennemis de la paix et des gens de guerre : il craignit d’être traduit en justice, rassembla un grand nombre de ses parents et de ses amis, et fomenta une sédition. C’était retarder les hostilités, et tenir les Sabins en échec. Publicola s’informait diligemment de tout ce qui se passait chez les ennemis : bien plus, il excitait, il échauffait leurs divisions. Des gens affidés allèrent, de sa part, trouver Clausus, et lui dirent : « Publicola te sait homme de bien, et trop juste pour te vouloir venger de tes concitoyens, quels qu’aient été envers toi leurs torts ; mais, si tu veux, pour sauver ta vie et te dérober à la haine, transporter ton séjour près de lui, tu seras reçu à Rome, et par l’État et par chaque citoyen, d’une manière digne et de ta vertu et de la magnificence romaine. » Clausus réfléchit longtemps à cette proposition ; et il ne trouva, dans la nécessité qui le pressait, nul parti meilleur à prendre. Il fit partager son dessein à tous ses amis, qui, de leur côté, en attirèrent beaucoup d’autres. Cinq mille chefs de famille, sous la conduite de Clausus, émigrèrent avec leurs femmes, leurs enfants et leurs esclaves. C’était ce qu’il y avait de plus paisible chez les Sabins, et de plus accoutumé à une vie douce et tranquille. Publicola, prévenu de leur arrivée, leur fit un accueil empressé, plein de cordialité et de bons offices. Il leur donna à tous le droit de citoyens, et il leur distribua, par tête, deux arpents de terre le long du fleuve Anio[36]. Clausus en eut vingt-cinq pour sa part, et il fut mis au nombre des sénateurs : ce fut là sa première dignité politique. Mais il fit paraître tant de sagesse dans l’administration des affaires, qu’il parvint bientôt aux premières charges, et qu’il acquit un immense crédit. Enfin c’est à lui que remonte la famille des Claudius, qui ne le cède à aucune maison dans Rome.

Cette émigration avait apaisé les troubles parmi les Sabins ; mais les démagogues ne purent les laisser vivre en paix. « Ce serait une honte, criaient-ils, que Clausus, fugitif et votre ennemi, obtînt ce qu’on lui a refusé quand il était ici, et qu’il vous empêchât de vous venger des injures de Rome. » Les Sabins se mirent donc en marche, avec une grande armée, et ils campèrent près de Fidènes. Ils placèrent deux mille hommes en embuscade, dans des endroits creux et couverts, plus avant encore du côté de Rome : leur intention était d’envoyer, le lendemain, à la pointe du jour, quelques cavaliers fourrager jusqu’aux portes de la ville, avec ordre, quand les Romains sortiraient sur eux, de faire semblant de fuir, jusqu’à ce que l’ennemi tombât dans l’embuscade. Publicola, le jour même, fut informé du projet par des transfuges. Il pourvoit à tout sur-le-champ, et il partage son armée. Postumius Balbus, son gendre, va, avec trois mille hommes, se saisir, dès le soir, des hauteurs qui couvraient l’embuscade, et il y attend le moment favorable. Lucrétius, collègue de Publicola, prend, parmi les soldats qui sont dans la ville, les plus agiles et les plus braves, pour tomber avec eux sur les fourrageurs. Lui-même, avec le reste de l’armée romaine, il enveloppe l’armée des Sabins.

Le lendemain, il s’éleva, vers la pointe du jour, un brouillard épais, et qui favorisa les Romains. Postumius fond à grands cris des hauteurs sur les troupes qui étaient en embuscade, pendant que Lucrétius charge la cavalerie qui courait la campagne, et que Publicola attaque le camp des ennemis. Les Sabins, surpris de tous côtés, sont bientôt défaits et mis en déroute ; ceux du camp ne songent pas même à se défendre : ils prennent la fuite, et ils sont taillés en pièces. Rien ne fut plus funeste pour les Sabins que l’espérance qu’ils avaient mutuellement que les autres n’avaient pas été battus ; car d’aucun côté ils ne songèrent à tenir ferme et à combattre : ceux du camp couraient vers ceux de l’embuscade, qui, à leur tour, couraient vers le camp ; et tous, au lieu de trouver un refuge, ne rencontraient que des fuyards, qui avaient eux-mêmes besoin du secours qu’on espérait recevoir d’eux. Tous les Sabins auraient péri, si Fidènes, la ville voisine, n’eût fourni asile à quelques-uns, surtout à ceux qui se sauvèrent du camp, après qu’il fut pris par les Romains. Ceux qui ne purent gagner Fidènes furent tués ou faits prisonniers.

Les Romains, tout accoutumés qu’ils fussent à rapporter aux dieux la gloire de leurs succès, attribuèrent cette victoire à la seule prévoyance du général ; et le premier mot de ceux qui avaient été à la bataille fut que Publicola leur avait livré les ennemis boiteux, aveugles, pieds et poings liés à peu près, et qu’on n’avait eu qu’à les égorger[37]. Le peuple tira, des dépouilles des ennemis et de la vente des prisonniers, de quoi augmenter considérablement ses ressources. Publicola reçut les honneurs du triomphe ; mais, à peine venait-il de remettre les affaires de l’État aux mains des consuls nommés pour lui succéder, qu’il mourut, après une vie comblée, autant que le permet notre condition mortelle, de tous les biens de ce monde et de tous les bonheurs. Le peuple, comme s’il n’eût rien fait jamais pour Publicola vivant, et qu’il eût encore à lui payer toute sa reconnaissance, ordonna que le corps serait enterré aux dépens du public ; et chaque citoyen contribua du quart d’un as[38]. Les femmes décidèrent entre elles, honorable et glorieuse distinction, qu’elles porteraient un an entier le deuil de Publicola. On voulut aussi qu’il fût enterré dans la ville, près de la colline Vélia ; et le droit de sépulture en ce lieu fut donné pour toujours à ses descendants. Mais, aujourd’hui, on n’y enterre plus personne de sa famille. Seulement, on y apporte le corps ; un homme tient une torche allumée, la met dans le tombeau, et l’en retire un moment après : cérémonie qui atteste le droit du défunt, mais qu’il renonce à cet honneur ; puis on emporte le corps autre part.



  1. Publicola, ou plutôt Poplicola, c’est-à-dire qui populum colit, qui honore le peuple.
  2. Selon d’autres, Volésus ou Volusus.
  3. En l’an 509 avant J.-C.
  4. Les autres auteurs disent que Brutus n’avait que deux fils, au moins en ce temps : il en eut d’autres depuis, car il laissa une famille.
  5. Brutus signifie en effet brute et stupide.
  6. On fait des histoires de ce genre sur toutes les conspirations.
  7. Suivant Denys d’Halicarnasse, les conjurés étaient encore en séance.
  8. La loi romaine, en effet, s’opposait à ce qu’il y restât.
  9. Ou plutôt de l’expression vindicare in libertatem, et du coup de baguette qui marquait l’affranchissement.
  10. Elle se nomme aujourd’hui l’île Saint-Barthélemy. Les deux ponts étaient le pont Fabricius, du côté du Capitole, et le pont Cestius, du côté du Janicule.
  11. C’est-à-dire le dernier jour du mois de février de l’an 508 ayant J.-C.
  12. Cet Anaximène n’est pas connu d’ailleurs. D’après les autorités les plus accréditées, l’usage de louer publiquement les morts ne date, en Grèce, que du temps des guerres Médiques.
  13. C’est le nom de la victoire divinisée : il se compose des deux racines de vinco et de potior, vaincre et se rendre maître. La leçon Οὐΐκος πόπλεκος de la plupart des éditions ne donne ici aucun sens raisonnable.
  14. Environ 1 fr. 50 centimes.
  15. Environ 15 francs.
  16. En latin pecus.
  17. Il s’agit ici, non pas d’un impôt ordinaire, mais d’un sacrifice momentané, que rendait nécessaire la lutte contre les Tarquins.
  18. Véies était la ville étrusque la plus rapprochée de Rome ; et les Étrusques, au temps de Tarquin, étaient dans tout l’éclat de leur civilisation et de leur puissance.
  19. Ainsi nommée, dit-on, parce que le Véien renversé se nommait Ratuménas.
  20. Tite-Live s’exprime aussi avec doute sur la généalogie des Tarquins, mais tout en penchant à faire, de Tarquin le Superbe, le fils de Tarquin l’Ancien, plutôt que son petit-fils.
  21. C’est-à-dire le 13 du mois.
  22. La consécration eut lieu en l’an 67 avant J.-C., quatorze ans après l’incendie de l’ancien temple.
  23. C’était en l’an 81 de notre ère.
  24. Plus de 60 millions de notre monnaie : le chiffre est probablement un peu enflé.
  25. En Attique.
  26. Ville d’Étrurie.
  27. Suivant quelques-uns, Lars était un titre d’honneur, et non pas un nom propre.
  28. Dans le Latium, près du pays des Herniques.
  29. Le nom de Coclès n’a rien de commun avec le mot grec cyclope : il signifie simplement borgne, et la première version de Plutarque est la vraie.
  30. Les Romains, d’après la tradition la plus vraisemblable, furent vaincus par les Étrusques ; Porsena entra dans Rome, et il dicta les conditions de paix qui lui plurent : seulement il consentit à ne pas rétablir les rois.
  31. Sandon, de Tarse en Cilicie, un des maîtres d’Auguste, puis de Tibère ; il appartenait à la secte stoïque. Son fils Athénodore est moins connu.
  32. Ce mot est la traduction grecque du nom latin Postumus ; et c’est Postumus qu’Athénodore a voulu dire. Plutarque aurait dû l’indiquer, et ne pas donner à croire que les Romains portassent des noms grecs dans ces temps antiques.
  33. Plutarque est le seul auteur qui parle de cette statue.
  34. On a déjà pu remarquer que les Romains ne se faisaient pas faute d’embellir et d’exagérer les victoires de leurs anciens héros.
  35. Il se nommait Atta, ce qui signifiait boiteux, en langue sabine ; et les Romains traduisirent ce nom en Clausus ou Claudus, qui a la même signification.
  36. Aujourd’hui Teverone, rivière qui se jette dans le Tibre, un peu au-dessus de Rome.
  37. Denys d’Halicarnasse donne des chiffres énormes, pour la perte des Sabins : 13,000 morts et 4,200 prisonniers.
  38. Le quart d’as, en latin quadrans, la plus petite des monnaies de cuivre.